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L'EAU EN
PERIGORD
PRESENTATION
GENERALE
L'EAU : UNE SOURCE DE VIE A PRESERVER
L'eau est sans doute la ressource la plus
précieuse que la terre offre à l'homme. Avec
la chaleur, elle a permis l'apparition et le
développement de toutes les formes de vie. L'eau façonne les reliefs et
les paysages, fournit de l'énergie, détermine l'habitat, les activités
économiques...
Aujourd'hui, les besoins en eau sont
considérables : l'agriculture, l'industrie, la vie domestique, utilisent des
quantités croissantes d'eau. Ressource renouvelable, elle n'apparaît plus
comme une richesse inépuisable. Menacée par les pollutions, objet de
gaspillages, l'eau doit être protégée. La sauvegarde de ce patrimoine naturel
n'est pas seulement l'affaire des collectivités publiques. Si l'usage de
l'eau est un droit légitime, il en découle un devoir pour chacun d'entre nous
: celui de la préserver pour les générations futures.
L'EAU EN PERIGORD A TRAVERS QUELQUES
CARTES
Le Périgord apparaît comme un vaste plan
incliné du nord-est vers le sud-ouest , avec un réseau hydrographique qui
converge vers le Bordelais. C'est une région de transition entre les
derniers contreforts du Massif Central, les premières plaines du Bassin
Aquitain, les Causses de Corrèze et du Lot, les champagnes Charentaises.
La carte géologique montre que le Périgord
intègre un fragment du Massif Central aux roches cristallines et une portion de
l'Aquitaine sédimentaire du nord-est.
Les affleurements de divers calcaires du crétacé et
du jurassique sont recouverts à l'ouest et au sud-ouest de dépôts détritiques
(argiles, sables et graviers) qui se sont entassés abondamment dans la Double et
le Landais.
L'érosion a sculpté de
multiples collines et vallons, tout en ouvrant quelques profondes vallées et a
modelé de nombreux pays. Le Périgord offre une très grande variété de
paysages.
Largement ouvert vers l'océan, le Périgord
est soumis dans son ensemble au climat océanique "dégradé" avec des hivers et
des étés assez accusés.
Des
variations locales, tantôt modérément océaniques (dans l'ouest) modérément
continentales (en Périgord noir) , à nuances montagnardes (dans l'extrême
nord-est) , lui donnent une pluviométrie comprise entre 750 mm (dans la Double,
le Landais et la partie occidentale du Bergeracois) à plus de 1 100 mm sur les
hautes terres limousines du Périgord.
Le Périgord possède un réseau
hydrographique diversifié et relativement dense avec plus de 4500 km de
ruisseaux et rivières.
Les
principales rivières suivent la pente générale du département et coulent du
nord-est vers le sud-ouest. C'est le cas de la Dronne, de l'Isle, de la
Loue, de l'Auvézère de la Vézère. Seuls, au sud du département, la
Dordogne et le Dropt conservent une orientation est-ouest. Au nord, le
Bandiat et la Tardoire sont orientés vers l'Angoumois.
Le Périgord se compose d'une mosaïque de petits pays aux conditions naturelles bien individualisées. On distingue :
Bibliographie
- Atlas de la Dordogne. P. Ranoux
- Schéma Départemental de vocation
piscicole de la Dordogne. D.D.A.F, 1994
L'EAU
A
PERIGUEUX
Le souci de pourvoir une ville en eau, de
qualité et en quantité suffisante pour répondre aux besoins sans cesse
croissants de la population, a toujours été au centre des préoccupations des
édiles municipaux.
C'est en 1833
que débutent les grands travaux qui donneront à Périgueux son premier véritable
réseau de distribution d'eau.
En
150 ans, la consommation annuelle d'eau a été multipliée par 15, pour atteindre
près de 3 millions de mètres-cubes en 1995.
Entre la source et le robinet de l'usager, l'eau
subit tout un ensemble d'opérations complexes, dont l'essentiel est aujourd'hui
réalisé à l'usine du Toulon.
L'APPROVISIONNEMENT EN EAU : UN PEU
D'HISTOIRE.
L'eau à Vesunna.
Ce sont les romains qui
sont à l'origine de la création d'une ville, au pied de l'habitat primitif des
Pétrucores, sur la rive droite de l'Isle.
Vesunna tire son nom de la déesse gauloise qui a pour origine un nom de source divinisée.
Au llème siècle, Vesunna est un centre urbain prospère. L'amphithéâtre peut accueillir 20 000 spectateurs.
De nombreux puits et fontaines fournissent l'eau à la ville : alimentés par eux-mêmes, les autres par des aqueducs. Six fontaines sont particulièrement mises à contribution : celles de l'Arsaut, Sainte Sabine, Saint Hippolyte, Saint-Georges, du Toulon et Font-Chaude.
Quatre aqueducs amènent l'eau des sources voisines par gravité dont celui des Jameaux qui sert à alimenter les fontaines publiques et surtout l'étonnant aqueduc du Petit-Change.
Découvert en 1813, long de 7 kilomètres,
il présente une faible pente d'une remarquable régularité. Il conduit les
eaux de sources de Grand-Font, du chien, du Lieu-Dieu, à Vesunna. On estime
qu'il pouvait transporter plus de 17 000 m3 d'eau par jour entre le 1er et
le lllème siècles après J.C, soit la consommation actuelle de Périgueux pendant
une journée d'automne. Des fouilles archéologiques ont permis de retrouver
des caniveaux de distribution des eaux, maçonnés en béton de mortier et dalles
en briques.
Du Moyen-Age au début du XXème siècle
Après les invasions des lllème - Vème siècles qui provoquent le déclin de Vesunna, une nouvelle ville, la Cité est édifiée sur les ruines de l'antique Vesunna, autour de la cathédrale Saint-Etienne. Puis, progressivement, une nouvelle agglomération se constitue à l'est, sur le Puy Saint-Front. Les deux entités rivales finissent par s'unir en 1240.
Le développement de la ville pose le problème de son approvisionnement en eau.
Les aqueducs construits par les Romains, en partie ruinés, ne sont plus depuis longtemps utilisés.
L'eau indispensable aux habitants provient
alors de :
- la rivière l'Isle :
elle fournit son eau abondante, à défaut d'être pure...
- nombreux puits privés et publics. Le
calcaire supérieur qui forme la base du Puy Saint - Front est recouvert en
grande partie d'argile imperméable sur laquelle s'étend une nappe
phréatique. L'eau peut ainsi être captée à faible profondeur.
- plusieurs sources : les fontaines de l'Arsault, de Saint-Frontaise, de Saint-Hippolyte, du Toulon et de la Clautre sont largement utilisées.
A partir de la fin du XVème siècle, d'importants travaux sont entrepris, dans le but de multiplier les points d'eau au centre de la ville.
Mais le problème de l'approvisionnement d'une eau pure et abondante se pose à nouveau au XVIlème siècle. Beaucoup de conduites exécutées au XVlème siècle sont obstruées et certaines bornes - fontaines cessent de fonctionner.
Au XVlllème siècle, les efforts portent sur le curage des anciens puits, alors que de nouveaux puits sont creusés. Le commerce de l'eau devient une activité florissante. M. Hardy dans un article paru dans le bulletin de la S.H.A.P en 1885 note : "En 1835.... l'eau destinée à la cuisson des aliments et au service de la table provenait de la fontaine des Malades et se vendait 2 liards le seau, ou un sou la seille. Des tonnes traînées sur de lourds chariots en approvisionnaient la ville. Le roulage continuel des six ou huit chariots employés à cet usage, détériorait tellement les routes et le pavé des rues, que le conseil municipal, dans sa séance du 3 février 1826, décida que les entrepreneurs paieraient à la ville pour chaque chariot, une indemnité annuelle de 25 francs".
Des grands travaux des années 1830 au réseau actuel.
Il faut attendre la Monarchie de Juillet pour que soient entrepris à Périgueux, des travaux d'ensemble pour alimenter la ville en eau, avec un succès variable.
Après une tentative infructueuse en 1828, de création d'un puits artésien sur la place de la Clautre, un projet ambitieux voit le jour en 1835 sous l'administration de M. de Marcillac, le maire de Périgueux.
L'eau provient du Toulon, une pompe à roue actionne le trop plein de l'Abîme, l'élève jusqu'au réservoir du Pourradier d'où elle est distribuée dans les divers quartiers. Un aqueduc construit par l'architecte Catoire, enjambe le vallon de la Combe -des- Dames. En 1836, plusieurs fontaines sont inaugurées dont la fontaine monumentale de la Clautre le 15 août.
Mais la machine hydraulique installée ne donne pas entière satisfaction. Remaniée en 1843, elle est complètement hors d'usage en 1860. En 1858, on lui adjoint une machine à vapeur, puis en 1872, une pompe actionnée par une turbine qui puise sa force motrice dans l'Isle est installée au Moulin-Neuf.
Dans une ville où la population croît rapidement, 9 000 habitants au début du XIXème siècle, 13 000 vers 1851, 21 800 en 1872, 33 500 en 1911... la situation de l'alimentation en eau se dégrade.
C'est dans les années 1920 qu'un programme de distribution d'eau, établi par Ferdinand Dupuy voit le jour. Réalisé par étapes sous sa direction et celle de ses successeurs, il aboutit à une usine qui fonctionnera jusqu'en 1971 et au réseau actuel.
En 1970, la construction de l'usine du Toulon, au débit très supérieur permet de répondre aux exigences des consommateurs tant sur la qualité que sur la quantité d'eau.
Depuis 1986, la Lyonnaise des Eaux est le concessionnaire pour la ville, de la distribution de l'eau.
L'EAU : DE LA SOURCE AU ROBINET
Origine de l'eau.
Les sources de l'Abîme et du Cluzeau,
situées au Toulon délivrent près de 20 000 m3
d'eau par jour, soit le double des besoins de la
ville.
La source de l'Abîme est, de très loin, la plus importante des deux sources. Elle est générée par l'infiltration des eaux de pluie sur les plateaux calcaires recouverts de sable fin qui circulent à travers un réseau de fissures et de cavernes propres aux terrains karstiques, avant de déboucher sur la résurgence du Toulon.
L'usine du Toulon.
Elle assure les nombreuses opérations qui permettent de distribuer une eau de bonne qualité. De l'amont à l'aval, c'est à dire, de la source aux utilisateurs, on distingue six fonctions essentielles
Le captage des sources du Cluzeau et de
l'Abîme.
Il est réalisé par un
puits havé, relié à l'Abîme par un tuyau de 700 mm de diamètre.
La capacité potentielle d'exhaure est de 3 000 m3
/heure.
La source du Cluzeau, au
débit bien moins important est captée grâce à un forage réalisé lors d'une
campagne d'étude hydrogéologique.
L'exhaure.
C'est le pompage de l'eau brute des sources vers le traitement. Quatre groupes assurent cette fonction, trois à l'Abîme et un au Cluzeau.
La clarification de l'eau.
L'eau est dans un premier temps, débarrassée des particules en suspension par simple décantation ou filtration; puis par floculation avec un polymère, un genre de liquide visqueux qui emprisonne les boues. L'eau est à nouveau décantée, puis filtrée. Du sable de Loire, très soigneusement calibré, est employé pour cette opération.
La stérilisation de l'eau.
La stérilisation débarrasse l'eau clarifiée des germes pathogènes qu'elle contient. C'est la dernière étape du cycle de production de l'eau potable.
Elle est stérilisée par l'ozone (O3). Le procédé est plus coûteux que la stérilisation par le chlore, mais il présente l'avantage de ne donner aucune saveur particulière à l'eau. L'ozone a un pouvoir désinfectant remarquable : une dissolution de 1 à 4 mg de ce gaz dans un litre d'eau, garantit la destruction de tous les éléments pathogènes contenus dans l'eau.
Le stockage de l'eau traitée .
Il s'agit d'une réserve de 1 000 m3 environ, dont le rôle est de parfaire la stérilisation en augmentant le temps de contact ozone - eau et surtout d'assurer un "tampon" entre les fonctions de "traitement" et de "refoulement".
Le refoulement.
L'eau traitée est ensuite dirigée par de
puissantes pompes vers trois réservoirs en
hauteur : Cap Blanc (Toulon), Mondésir (Hôpital) et
Saint-Georges.
Le débit maximum refoulable est de 3 000 m3 /heure ; mais en pratique, on ne dépasse pas 1 500 m3 /heure.
La distribution de l'eau.
La distribution de l'eau potable se fait au moyen d'un réseau de canalisations, par écoulement dans des conduites d'adduction qui relient le lieu de production, aux points de stockage et d'utilisation.
A Périgueux, 142 kilomètres de canalisations sont enterrées (soit la distance de Périgueux à Bordeaux).
Le stockage de l'eau permet de répondre à tout moment à une demande qui varie au cours de la journée. Cinq réservoirs d'une capacité totale de 14 000 m3 assurent cette fonction à Périgueux. L'eau descend des réservoirs par gravité vers tous les robinets de la ville.
L'eau potable au robinet.
L'eau potable est une eau non susceptible de porter atteinte à la santé de celui qui la consomme.
Elle doit répondre à tout un ensemble de critères définis par le décret du 3 janvier 1989 du Ministère de la Santé.
Paramètres organoleptiques :
Coloration, turbidité, odeur,
saveur.
Paramètres physico - chimiques en relation avec la structure naturelle des eaux (température, PH, chlorures, sulfates)
Paramètres chimiques :
Substances indésirables, toxiques, paramètres micro - biologiques.
Paramètres micro - polluants.
Ainsi l'eau potable est le produit d'un
traitement spécifique et fait l'objet de contrôle en cours de
distribution.
La qualité de au à Périgueux.
Moyennement minéralisée, l'eau potable à Périgueux a des caractéristiques proches de l'eau minérale d'Evian.
Elle contient 350 mg par litre de
bicarbonate, 110 mg de calcium, 8 mg de magnésium, moins de 10 mg de nitrates,
0,9 mg de sodium, 0,08 mg de fluor.
Bibliographie :
- L'eau dans la ville. B.T n° 1073, déc. 1995
- Documentation de la Société Lyonnaise
des Eaux
- Documentation de
l'Agence de l'Eau Adour-Garonne
-
Périgueux. Magazine d'informations municipales, février 1995
- Les fontaines de Périgueux au Moyen -
Age et dans les temps modernes. M. Hardy, SHAP T. XII, 1885
- Louis Catoire - Luduniste de Périgueux. J.
Lagrande, SHAP T. CVII, 1980
-
L'aqueduc de Catoire. R. Desbarrats, SHAP T. CXIV, 1987
- Le quartier des Barris - Saint - Georges à
Périgueux. A. Granger, SHAP T. LXXV, 1948
- Périgueux - Guide monumental du Périgord illustré
, T.2. Abbé Audierne Editions Roc de Bourzac
- Les journaux Sud-Ouest et la Dordogne
Libre
En l'absence d'une source proche ou d'un
cours d'eau, le puits était le seul moyen de se procurer de l'eau, avant que
celle-ci ne coule directement à notre robinet.
Creusé dans le sol jusqu'à la nappe phréatique
repérée au préalable par la baguette de coudrier du sourcier, le puits est un
élément essentiel de la vie rurale d'autrefois.
Le Périgord offre une grande variété de
puits.
Ils sont bâtis avec les
matériaux locaux, la pierre calcaire blanche ou ocre, le grès, le granit selon
les régions.
De forme ronde ou
carrée, ils sont coiffés d'un toit de pierre conique ou pyramidal ou plus
simplement d'un auvent de tulles plates ou de zinc.
Avec la généralisation de l'adduction d'eau,
beaucoup de puits ont disparu.
Ceux qui subsistent doivent être entretenus et
conservés.
Ces humbles édifices
ruraux, autrefois source de vie, sont un des composants esthétiques du paysage
rural.
QU'EST - CE QU'UN PUITS ?
Un puits est un trou de profondeur très
variable, le plus souvent maçonné, creusé dans la terre pour atteindre la nappe
aquifère la plus proche de la surface.
REPERER LA NAPPE PHREATIQUE
Avant toute action de forage, il est bien entendu indispensable de repérer la nappe phréatique afin d'éviter toute débauche d'efforts inutiles.
On peut estimer la localisation de l'eau, en fonction de l'expérience acquise, à partir de l'observation du terrain, de son humidité, de la végétation et de son relief.
Mais le plus souvent le recours au savoir-faire du sourcier qui peut par échange de fluides découvrir l'eau où elle se trouve s'avère nécessaire. Monsieur Yvon Delpech, puisatier, aujourd'hui à la retraite à Simeyrols, possède ce don merveilleux de découvrir l'eau. Il explique dans une interview de D. Lavigne en 1992 pour le Journal du Périgord : J'utilise une baguette en coudrier qui vous remonte vers la face quand vous arrivez sur le filon. Ensuite, je prends un pendule de bois et un brin de laine d'une quinzaine de centimètres de long. Avec le pendule on trouve la profondeur de l'eau en reculant perpendiculairement au filon. Quand le pendule commence une nouvelle rotation, on obtient la profondeur. On procède aussi par interpellation en restant sur le filon, on donne des secousses en comptant. Quand le pendule se remet à osciller, on a le chiffre de la profondeur. Mais que l'on prenne l'une ou l'autre méthode, on tombe à quelques centimètres près
LE CREUSAGE D'UN PUITS TRADITIONNEL
Lorsque l'eau est localisée et sa profondeur estimée, le forage peut commencer. La fouille est creusée par une personne munie d'une pioche, alors que deux autres personnes évacuent en surface les déblais remontés au moyen d'un treuil provisoire sur lequel s'enroule une corde au bout de laquelle est fixé un seau. L'emploi de la dynamite s'avère nécessaire lorsque la roche est dure. La fouille terminée, le puisatier élevait jadis, à partir du fond, sur un "rouet" en chêne, un muraillement en moellon jusqu'au niveau du sol, au-dessus duquel on monte la margelle et le système de remontée.
Aujourd'hui, la paroi est édifiée avec des
buses en ciment de 100, 120 ou 150 millimètres de diamètre et on utilise les
moyens mécaniques pour creuser un puits.
PLUSIEURS TYPES DE PUITS
Il existe plusieurs types de puits en fonction du
système de levage.
Le puits à balancier.
Le puits à balancier constitue le plus élémentaire
des systèmes pour puiser l'eau. Présent dans toutes les sociétés rurales
traditionnelles du monde, quelques rares spécimens subsistent en Dordogne, comme
à Payzac, à Sorges... Le système de remontée suppose une nappe d'eau peu
profonde, pas plus de cinq mètres et il fait appel à deux pièces de bois, l'une
verticale plantée dans le soi et terminée par une fourche, l'autre pivotant sur
l'extrémité de cet axe. Un contre-poids permet d'actionner le balancier,
pour descendre et remonter le seau accroché à une corde ou à une
chaîne.
Le puits à poulie.
Les puits à poulie, en bois à l'origine, puis métallique, sont encore nombreux. Le mécanisme permet de laisser filer la corde ou la chaîne soutenant le seau jusqu'au fond du puits et de le remonter aisément.
Le puits à treuil.
Les puits que l'on rencontre le plus aisément sont ceux où un treuil en bois, avec axe et manivelle parfois un volant métallique, permet de descendre un seau au bout d'une chaîne.
UNE GRANDE DIVERSITE ARCHITECTURALE DE PUITS EN PERIGORD
C'est la protection de l'eau et du mécanisme de levage qui engendre une grande diversité d'architecture dans les parties extérieures des puits.
Les matériaux de construction employés dépendent de la nature des roches du sous-sol : le calcaire ocre en Sarladais, le calcaire blanc en Périgord blanc, le grès rose dans la région de Villac, le granite dans la région de Nontron, le schiste vers Payzac...
Le type de puits le plus simple est constitué par une infrastructure circulaire, monolithe ou maçonnée, peu élevée au-dessus du sol, couverte d'une hotte en tuiles plates, canals ou plus rarement en ardoises. Pour les plus modestes d'entre eux, un chapeau de zinc protège le mécanisme de levage.
Les puits de bois présentent un bâti charpenté en chêne ou en châtaignier qui repose sur un sous-bassement formant margelle et coiffé d'un toit pyramidal en tuiles plates ou en ardoises.
Dans le Périgord Central et dans le
Ribéracois dominent les puits couverts, entièrement bâtis en pierres bien
appareillées. On note dans ces régions une recherche esthétique, dans
certains cas très raffinée. Une corniche moulurée atteste le soin apporté aux
constructions couvertes d'un toit pyramidal ou en forme de coupole, surmonté
d'un épi de faîtage.
Bibliographie :
- L'architecture paysanne en France.
J. Fréal Editions Serg - Berger - Levrault
- L'architecture paysanne en Périgord. J.P
Simon, Editions P. Fanlac
-
Périgord - Quercy. A. Stein, Editions Maswn
- Histoire d'eau en Seine et Morne. H.
Fatoux, Editions Amatteis
-
La science et les sourciers. Y. Rocard, Editions Dunod
- Les sourciers. H. Magner, Editions Le Roc
de Bourzac
Articles
- Le don de l'eau. D. Lavigne, le Journal
du Périgord n° 12, mars 1992 - Le patrimoine de l'eau. D. Lavigne, le
Journal du Périgord mai 1990
- Les
puits de nos campagnes. J. Baillardeau , Détours en France n" 8 1993
- Maisons et paysages du Loiret.
B.Martinet, Editions CREER
- Les
maisons paysannes de l'Oise. A et R. Bayard, Editions Eyrolles
- Le puits à balancier communal de
Fonniovas à Sorges. C.E.R.A.V, C. Lasure et F. Véber
- Le puits de Pémejot à Sainte Foy de Belvès - J.
Sautereau de Cheffe, SHAP T. 104 1977
- Quatre puits situés à Badefols d'Ans et Villac.
P. Villot, SHAP T.102 1975
Fontaine vient du latin "fons", "fontis",
source, et "fondere", répandre
Elle désigne l'eau vive qui sort de la terre et se
répand à la surface du sol
et par
extension tout aménagement destiné à faciliter le puisage, même si celui-ci est
rudimentaire, qu'il soit à même la source ou que l'eau soit canalisée.
Les fontaines offrent une grande
diversité architecturale.
Rustiques ou plus élaborées dans la forme et dans
leur conception les fontaines ont connu pendant des siècles une importance
sociale capitale.
Jadis éléments
essentiels du village ou de la ville, les fontaines sont devenues des éléments
décoratifs.
Elles agrémentent
souvent les carrefours, places et rues.
Parfois, véritables oeuvres d'art, elles se font le
témoin d'une époque.
LA FONTAINE : JADIS UN ROLE FONDAMENTAL
Avant que l'eau ne vienne alimenter chaque habitation, les hommes ont rivalisé d'efforts et d'ingéniosité pour s'assurer une eau abondante et pure, permettant d'abreuver les gens et les bêtes, d'alimenter les lavoirs ou encore d'irriguer les jardins.
La fontaine, tout comme la source, le puits, la citerne, est un lieu de rencontre, de sociabilité où convergent les porteuses d'eau. C'est en effet à la femme que revient presque exclusivement, d'aller puiser l'eau, là où elle se trouve.
Les fontaines qu'elles soient privées ou publiques, offrent une grande diversité architecturale. Rustiques et discrètes dans les campagnes, elles présentent dans certains villages et dans certaines villes des formes monumentales, contribuant à leur embellissement.
LES FONTAINES RUSTIQUES
Elles se caractérisent par leur grande simplicité et l'absence totale de décoration. La plupart des points d'eau ont été aménagés par les communautés rurales afin de faciliter le puisage et préserver l'eau de la pollution naturelle.
Situées au milieu des terres pour permettre leur irrigation ou à proximité immédiate de l'habitat dont l'origine est liée à la présence de l'eau, les fontaines rustiques sont très nombreuses en Périgord. Souvent, un abreuvoir ou un lavoir, parfois les deux à la fois, est associé à la fontaine.
La simplicité n'empêche pas la grande diversité des constructions, en rapport avec la manière dont on a résolu le problème de captage de l'eau et la préoccupation de protéger la fontaine et ses usagers.
Elles sont construites avec les matériaux locaux, calcaire, granite, schiste... selon les pays ; au pied d'un escarpement rocheux, sur une pente ou dans une plaine. Isolées ou adossées à un mur, découvertes ou couvertes, les fontaines voûtées sont les plus élaborées
LES FONTAINES MONUMENTALES
Les fontaines monumentales s'opposent aux fontaines rustiques. Elles sont plus élaborées dans la forme et dans leur conception.
Construites pour la plupart au XIXème siècle, pour faciliter l'existence quotidienne des habitants en amenant l'eau jusqu'au centre des villages ou des villes, elles concourent aussi à leur embellissement.
Elles présentent une grande variété de formes et de motifs décoratifs, exprimant l'attachement de l'époque de l'Empire, aux architectures de l'Antiquité grecque et romaine, multipliant colonnades et frontons décorés.
On peut classer les fontaines monumentales en plusieurs groupes :
- les fontaines adossées ou intégrées à une muraille.
L'eau s'écoule par un ou plusieurs canons, dans un bassin rectangulaire, situé au pied du mur de distribution, construit en pierres taillées et appareillées
- les fontaines à bassin.
De forme circulaire ou polygonale, un jet d'eau, une statue ou un groupe de figures sert à amener l'eau. Souvent situées au centre des places publiques, elles comportent une ou plusieurs vasques.
- les fontaines à coupe.
Elles comprennent, au-dessus du bassin une seule vasque portée par un motif central, dont la forme rappelle les coupes antiques.
- les fontaines en pyramide.
Elles se composent de plusieurs vasques
circulaires dont la taille diminue au fur et à mesure qu'elles s'élèvent, ce qui
permet à l'eau de tomber en nappes successives dans le bassin.
Bibliographie :
- Histoire d'eau en Seine et
Marne. H. Fatoux, Editions Amatteis T. 1
- Fontaines de Haute Provence. L. Plantier,
Edisud
- Les fontaines. H.
Fillipetti, article paru dans "Village magazine" n° 4 sept. oct. 1993
- L'eau dans la ville. B.T n° 1073
déc. 1995
LES FONTAINES SACREES
De tous temps, les hommes ont été fascinés
par le mystère des eaux qui sourdent des profondeurs de la terre.
Force de fécondité, de fertilité, de
purification, l'eau est vénérée par les Celtes, comme les arbres ou les
pierres.
On attribue aux eaux des
vertus bienfaisantes.
L'Eglise,
après avoir essayé en vain d'interdire les cultes païens, christianise ces lieux
en les plaçant sous le nom d'un saint.
Le Périgord est riche en sources et fontaines
guérisseuses sous la protection de saints.
Bernadette Darchen, dans un ouvrage bien documenté
sur le sujet, recense près de 200 fontaines de dévotion réparties aux quatre
coins du département, localisées près d'une église ou d'une chapelle ou encore
isolées dans la campagne,
parfois
en plein bois ou au milieu d'un pré.
En cette fin de XXème siècle,
certaines fontaines comptent encore des
fidèles.
L'EAU QUI PURIFIE ET SOULAGE : UN PEU D'HISTOIRE
L'eau : symbole de Purification.
Dans l'antiquité romaine, la lustration
est une cérémonie publique ou privée par laquelle tous les cinq ans, on purifie
les lieux, des objets, les personnes frappées d'impuretés ; au moyen de
sacrifices, de processions et surtout d'eau "lustrale".
Dans la liturgie catholique, l'eau bénite est un sacramental. Elle est employée à diverses bénédictions.
Les hindous viennent se baigner dans les eaux du Gange. Les gués sacrés attirent comme à Bénarès de nombreux croyants désireux de se purifier.
Les grands centres de pèlerinage ont leur fontaine sacrée. Ainsi les chrétiens à Lourdes, ou les musulmans à la Mecque emportent chez eux l'eau bénie et purificatrice.
L'eau qui soulage.
Depuis toujours, on reconnaît à l'eau le pouvoir de soulager. Les Grecs attribuent le pouvoir guérisseur de l'eau à diverses divinités. Les Romains affectent les bains chauds, les "thermes". Les sociétés païennes attribuent à beaucoup de fontaines des vertus bienfaisantes.
Au Haut Moyen-Age, l'Eglise pourchasse tout signe de paganisme. Plusieurs conciles entre le Vème et le Vllème siècles condamnent le culte des pierres, des arbres et des fontaines. Malgré les interdits, les pratiques profondément ancrées dans les mentalités demeurent, les fontaines sont toujours aussi fréquentées.
L'Eglise réagit en christianisant les lieux de dévotions populaires. Les noms de saints se substituent aux divinités païennes. Les fontaines deviennent des lieux bénis reconnus par l'Eglise quand la guérison est obtenue au terme d'une dévotion à un saint.
Ainsi les propriétés de chaque fontaine sont maintenues dans la sagesse populaire sous un nom parfois évocateur : Saint-Clair qui guérit les malades des yeux ; Saint-Fort, les faibles ; Saint-Eutrope, les estropiés ; Saint-Sicaire protège les enfants...
Les fontaines sacrées ont souvent servi de points de fixation à des chapelles ou églises.
On distingue les fontaines dédiées à la vierge Marie qui font souvent l'objet d'un pélerinage, et celles patronnées par des saints divers.
On y va prier pour demander un époux, obtenir des guérisons, de bonnes récoltes, éviter la grêle, protéger les animaux d'élevage..." Rien de bien chrétien dans ces demandes. Des demandes matérielles oui, du spirituel fort peu..." rétorque madame Darchen, avant de conclure : "Malgré deux mille ans de christianisme, les sources gardent encore, envers et contre tout, leur merveilleuse attractivité... En fin de compte, c'est grâce à la religion chrétienne, qui s'était donnée à charge d'éradiquer les cultes païens matérialisés par la dévotion aux fontaines, que celles-ci sont restées vivantes et sont arrivées à nous, riches de rites, de légendes, de mythes... Nous avons le devoir de veiller à nos fontaines sacrées, de les garder en vie et de les honorer, elles sont notre Mémoire".
UNE FONTAINE DEDIEE A UN SAINT :
SAINTE MARGUERITE PRES DE JAVERLHAC
Une fontaine isolée dans un vallon.
Située à 2 km au nord-ouest de Javerlhac,
la fontaine Sainte-Marguerite, particulièrement fréquentée dans le passé, compte
aujourd'hui encore des fidèles. Elle est isolée au fond d'un vallon, en
contre-bas d'un étang, dans un endroit non entretenu, envahi par la végétation.
Trouver la fontaine relève presque du miracle !... Heureusement des linges
accrochés aux branches des arbres attirent l'attention du visiteur qui découvre
un trou cylindrique de 80 cm environ de profondeur et de 80 cm de diamètre, où
coule un peu d'eau par temps humide.
Monsieur Jean Maudet s'est intéressé à cette fontaine et livre ses réflexions et recherches sur Sainte - Marguerite dans un article publié dans les cahiers de la Chapelle Saint Robert
Une fontaine aux vertus polyvalentes.
Il est difficile de préciser l'origine de cette fontaine qui remonte probablement au Moyen-Age, voire aux Gaulois, mais son culte est attesté depuis deux ou trois siècles.
A ces époques, on vient à la fontaine pour guérir : rhumatismes, peurs, rachitisme des enfants, mal de visage, et surtout pour combattre la stérilité. La consommation de l'eau s'accompagne de dévotions sur place et à l'église, ainsi que du versement d'une obole, probablement partagée entre les paroisses de Javerlhac et de Varaignes. Des pèlerinages collectifs ont lieu, le lundi de la Pentecôte et le dimanche suivant le 29 août. Mais la plupart des pèlerinages sont individuels et s'étalent sur toute l'année.
Des origines incertaines.
Les origines du nom de la fontaine sont incertaines. Il existe en effet une vingtaine de Sainte-Marguerite dont la plupart sont récentes. Monsieur Maudet opte pour la grande Sainte-Marguerite du Moyen-Age, celle dont Jeanne d'Arc a entendu la voix. Cette sainte se verra radier par le Vatican de la liste des Saints en raison d'une légende peu vraisemblable Mais celle-ci mérite d'être contée.
"Au lllème siècle, Marguerite, fille dAntioche, se convertit au christianisme. Elle est remarquée par le gouverneur romain Olibrius qui la demande en mariage. Le refus de Marguerite provoque la colère du gouverneur et son martyre. Après avoir échappé au supplice, grâce à sa foi, dans le cirque d'Antioche, Olibrius qui préside le spectacle, décide de faire venir un dragon qui avale toute entière la pauvre Marguerite. Grâce à sa croix, Marguerite ressort intacte de la gueule du dragon. Après d'autres supplices, elle sera finalement décapitée". Rien dans la légende de la pauvre Marguerite peut faire penser à une fontaine miraculeuse en liaison à la guérison des malades ou à la fécondité féminine. Pourtant au Moyen-Age, Sainte Marguerite est la patronne des femmes enceintes. Pour monsieur Maudet, là se trouve l'explication du nom de la fontaine et aussi sa spécialisation.
La fontaine a-t-elle toujours été située à son emplacement actuel ?
Une tradition profondément ancrée dans le pays situe la fontaine au milieu du même vallon. On raconte qu'un éleveur gêné par la fontaine et sa fréquentation, au milieu du pré, l'aurait comblée puis recreusée en bordure. Après avoir commis ce sacrilège, il serait mort peu après... D'après une autre tradition, la fontaine se serait tarie d'elle-même et aurait rejailli chez le voisin, après que son propriétaire ait cherché à soutirer de l'argent aux pélerins, pour son propre compte.
On vient toujours à la fontaine...
La fontaine Sainte-Marguerite reçoit
toujours des fidèles. Pour preuves, des mouchoirs, des chaussettes, accrochés
dans les branches sans doute afin d'entrer en communication avec la puissance
surnaturelle et non en signe de reconnaissance. La nature des linges, qui se
rapporte à la femme et à l'enfant, donne à penser que la fontaine est non
seulement fréquentée dans les cas de stérilité des femmes, mais aussi pour les
maladies de l'enfant. Monsieur Maudet note avec une pointe d'humour :
"Nous constatons donc qu'une fontaine miraculeuse trouve sa place dans le monde
d'aujourd'hui et pourtant la pauvre fontaine a tout contre elle. Non
seulement elle n'a plus guère d'eau, mais l'église l'a abandonnée...
L'instruction publique et la science médicale la condamnent et même la Sécurité
Sociale refuse toute prise en charge des déplacements... Et monsieur Maudet de
conclure : "En tous cas, et quoique chacun puisse penser, il faut bien constater
que des hommes, des femmes en peine, trouvent dans une fontaine comme celle de
Sainte - Marguerite, au moins un recours, un espoir passager et qu'une telle
croyance, qui ne fait de mal à personne et a peut-être des chances de faire du
bien à certains, atténue un peu tout de même le malheur des hommes. C'est
pourquoi sans doute la sagesse populaire les appelle les "bonnes
fontaines".
TROIS FONTAINES DEDIEES A LA VIERGE
Les fontaines dédiées à la Vierge sont nombreuses en Périgord. Trois d'entre elles ont retenu notre attention : Notre-Dame de Redon - Espic à Castels, Fontpeyrine à Tursac et Capelou près de Belvès.
Notre-Dame de Redon - Esgie (Castels)
Redon-Espic est un lieu-dit situé dans les environs de Saint-Cyprien sur la commune de Castels.
Un petit édifice circulaire, de construction récente, couvert de lauzes, analogue aux cabanes de bergers, fréquentes en Périgord Noir, abrite une statue de la Vierge.
Une fontaine sourd en-dessous : c'est la Font Bierge ou fontaine de la Vierge. Une chapelle du Xllème siècle, à l'architecture d'une remarquable simplicité, s'érige non loin de là. C'était la chapelle des moniales dont le petit moûtier s'appuyait jadis à ses murs.
Selon la tradition orale, une bergère Jeanne Grave, une adolescente de 14 ans, voit en 1814, près de la Font Bierge, l'apparition de la Vierge à plusieurs reprises. La jeune fille meurt l'année suivante. La mémoire populaire mentionne que lors de ses funérailles par une pluie battante, ni son cercueil, ni ceux qui le portèrent ne furent mouillés.
Il n'y a pas eu d'enquêtes canoniques pour authentifier les apparitions. Le préfet de l'époque finit par autoriser les assemblées religieuses à Redon - Espic après l'envoi par l'évêque d'un vicaire pour information. Depuis ce temps, un pèlerinage a lieu le 8 septembre où on vient à Redon - Espic se recueillir près de la fontaine.
Notre-Dame de Fontpeyrine à Tursac.
Fontpeyrine, de fons peregrines, la fontaine des pélerins, porte un nom qui témoigne de l'ancienneté du sanctuaire.
La fontaine est située dans le cadre sauvage d'un vallon sur la commune de Tursac. Il est impossible de dissocier l'origine du pèlerinage et de ses dévotions de la légende. Les deux acteurs sont un boeuf et son propriétaire. Celui-ci voyant l'animal gratter obstinément la terre au même endroit, a l'idée de sonder le sol avec une pioche. Aussitôt une abondante source jaillit, et il découvre à proximité immédiate, sous une pierre, une statue représentant la Vierge avec son fils dans les bras.
Un oratoire et une chapelle se dressent près de la fontaine. Les anciens se rappellent encore les pèlerinages de jadis, où on venait nombreux de loin, à Fontpeyrine, à la Pentecôte et surtout le 8 septembre, fête de la Nativité. L'oratoire abrite une statue de la Vierge mutilée durant la période révolutionnaire et grossièrement restaurée.
Notre - Dame de Capelou.
A deux kilomètres de Belvès, s'élève une
chapelle rebâtie en 1873, après avoir été détruite sous la Révolution.
Le sanctuaire est l'un des plus anciens
du Périgord. Il est attesté en 1153 par le pape Eugène lll, qui le mentionne
dans les dépendances de l'abbaye de Sarlat.
La légende rapporte l'histoire survenue à un berger
intrigué par l'attitude d'une de ses vaches, constamment à l'écart du troupeau
et passant de longues heures prostrée devant un fourré de ronces. En écartant
les ronces, le berger découvre une statue de la Vierge et tenant sur ses genoux,
le corps inanimé de son enfant. Transportée dans l'église paroissiale, la
statue disparaît, et on la retrouve à nouveau dans les ronces. Devant ce
miracle, on comprend que la statue veut être honorée à l'endroit où elle avait
été découverte, non loin où coule une fontaine
Un ancien et important pèlerinage se
déroule chaque année à Capelou au mois de septembre d'après la Nativité.
Bibliographie :
- Les fontaines sacrées en Périgord. B.
Darchen, PLB Editeur
- Le vieux
Périgord. G. Rocal, Editions Fanlac
- Pélerinages en Périgord. A. Sadouillet-Perrin et
G. Mandon, Editions Fanlac
-
Dictionnaire des paroisses du Périgord. R.P Carles, Editions du Roc de
Bourzac
- La légende des
eaux. S. Louradour, Editions de la Veytizou
- Fontaines sacrées et saints guérisseurs. E.
Royer, Editions J.P Gisurot
Articles :
- L'eau qui soulage. D. Lavigne, le Journal
du Périgord mai 1990
- La
fontaine Sainte- Marguerite. J. Maudet, Cahiers de la Chapelle Saint-Robert n°
2
- Fontaines sacrées. H.
Filipetti, Village Magazine n° 4 sept.-oct 1993
- Sources et fontaines guérisseuses des Landes de
Gascogne.
Depuis les temps les plus reculés, le
lavage domestique du linge est une activité périodique dévolue à la
femme.
Elle est effectuée à un
point d'eau, fontaine, mare, étang, cours d'eau...
Au cours du XIXème et au début du XXème siècle,
avec les progrès de l'hygiène,
des
locaux plus confortables et fonctionnels, alimentés par une source ou une
rivière
sont aménagés par les
municipalités.
Dans les lavoirs,
les lavandières à genoux, avec des gestes immuables,
battent, frottent, rincent et essorent le
linge.
Il est de tradition de dire
que dans ces espaces de vie réservés aux femmes,
les langues sont aussi vives que les battoirs
!
Les lavoirs évoquent une période
aujourd'hui révolue.
A partir des
années 50, la machine à laver le linge devient rapidement l'outil indispensable
dans chaque foyer, mettant fin à une corvée redoutable.
Peu à peu désertés, les lavoirs sont souvent
abandonnés aux ronces et à l'écroulement.
Témoins de la vie d'autrefois, les lavoirs font
partie des édifices à conserver.
Ils sont un des éléments de notre patrimoine
rural.
LA LESSIVE : UNE AFFAIRE DE FEMMES
Les grandes lessives encore appelées les grandes buées sont des temps majeurs dans l'activité des femmes. Dès le Xllème siècle la lessive du gros linge une fois l'an est en usage après les fêtes de Pâques puis deux fois l'an, voire trois fois au XIXème siècle. A côté de ces temps forts, il y a naturellement des lessives plus modestes, les petites buées, mais tout aussi compliquées, le fameux jour de lessive de nos grands-mères.
Les grandes buées se déroulent sur trois jours selon un rite immuable :
Le premier jour, le linge une fois trié, est déposé dans un cuveau, les pièces les plus sales d'abord, les torchons, les draps, les chemises... Puis la ménagère verse l'eau froide par dessus et le linge trempe toute la nuit pour éliminer les premières taches. Le lendemain matin, l'eau est vidée et le linge est recouvert d'une toile de chanvre sur laquelle on étale des cendres de bois sur 10 à 15 centimètres d'épaisseur qui jouent le rôle d'agent nettoyant grâce à leur richesse en carbonate de potasse. Au début du XXème siècle, les cendres seront remplacées par des cristaux de soude. Souvent, on mélange aux cendres des essences de plantes pour parfumer et blanchir le linge. Pendant ce temps, de grandes quantités d'eau sont chauffées dans un chaudron. Commence alors le coulage. A l'aide d'un petit récipient prolongé d'un long manche en bois, l'eau bouillante est versée sur le linge. Elle passe du sommet à la base de la cuve, emportant les produits actifs des cendres qui nettoient le linge. L'eau récupérée à la base par la pisserotte, dans un seau placé sous la bonde du cuveau, est à nouveau réchauffée et l'opération se répète inlassablement pendant des heures (15 à 20 heures généralement...).
Chaque laveuse, en fonction de l'expérience acquise, sait quand il faut arrêter le coulage. Le troisième jour, c'est le lavage. Le linge est retiré du cuveau, mis dans des baquets en bois ou dans des paniers en osiers posés sur la brouette, puis est emmené par la laveuse au lavoir. Là, au prix de gros efforts, le linge est savonné afin de faire disparaître les taches rebelles, brossé, frappé au battoir pour faire pénétrer le savon dans les fibres, puis rincé à plusieurs reprises, et enfin essoré.
Quand tout est terminé, le linge est alors
ramené au foyer pour y être séché sur des cordelettes ou sur des tréteaux ou
encore étendu à même l'herbe des prés, ou sur les buissons
environnants...
L'ESSOR DES LAVOIRS AU XIXème SIECLE
Si les premiers bâtiments réservés au lavage apparaissent au XVlllème siècle, c'est au siècle suivant qu'ils vont proliférer dans tout l'hexagone.
La création des lavoirs s'inscrit dans un contexte général d'une prise de conscience collective de l'importance de la salubrité publique et des principes élémentaires d'hygiène.
Le choléra, la variole et la typhoïde sévissent encore au XIXème siècle. Les progrès de la médecine invitent à mieux surveiller l'eau et l'évolution des techniques permet de mieux maîtriser son acheminement.
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la propreté devient l'objet d'un véritable culte. On encourage l'entretien du linge et la spécialisation des lieux et des usages de l'eau.
Le 3 décembre 1851, l'Assemblée Législative vote un crédit de 600.000 francs destiné à la construction des lavoirs publics, mais les éternelles lenteurs administratives retardent l'exécution du projet des municipalités.
En Périgord, la plupart des édifices datent de la fin du XIXème siècle et du début de notre siècle.
UNE ARCHITECTURE DE LA VIE QUOTIDIENNE A SAUVEGARDER
Construits le plus souvent avec de modestes moyens, le Périgord conserve quelques beaux lavoirs rustiques que les communes s'efforcent de sauvegarder.
Edifiés à ciel ouvert ou couverts près d'un cours d'eau ou à proximité d'une source ou encore d'une fontaine, les lavoirs qui subsistent aujourd'hui se ressemblent beaucoup. Le lavoir le plus souvent reproduit est un bassin rectangulaire entouré d'une surface inclinée en béton, protégé d'un toit couvert en tuiles mécaniques dont la charpente s'appuie sur quatre ou six poteaux de bois.
Mais certains lavoirs ont échappé à la standardisation des types et des matériaux de construction. Ici et là, on rencontre des bassins de pierre de forme rectangulaire, carrée, circulaire ou ovale qui font honneur à notre petit patrimoine rural.
Abandonnés depuis un quart de siècle, ces
"temples de l'eau deviennent lieux de mémoire où résonnent l'écho des battoirs
et des bavardages.
Bibliographie :
- La France des lavoirs. C. Lefebvre,
Editions Privat
- Histoire d'eau
en Seine et Marne. H. Fatoux, Editions Amatteis, T. 1 et 2
- La merveilleuse histoire du lave-linge. M.
Rachline, Editions Orban
Articles :
- Bruits de lavoirs. C. Lefebvre, Détours en France
n° 16 1994
- Le patrimoine de
l'eau. D. Lavigne, le Journal du Périgord mai 1990
LES PONTS
Symbole de la communication, le pont est
un ouvrage fonctionnel permettant de franchir des rivières ou d'autres
obstacles.
Construits à
différentes époques pour répondre à des besoins vitaux, les ponts, qu'ils soient
modestes ou audacieux, occupent toujours une place majeure dans nos
paysages.
LES PONTS A TRAVERS LES AGES.
Les hommes ont d'abord utilisé les gués, les ponts de bois et les bacs pour franchir les cours d'eau.
Aux romains, revient l'invention du pont de pierre, qui impose la technique de la voûte en plein cintre.
L'époque médiévale se caractérise par des ouvrages robustes, aux piles massives renforcées par des becs, à chaussée étroite et au profil en dos d'âne.
Au XVIllème siècle, des ponts plus larges sont édifiés sous l'égide d'un corps d'ingénieurs spécialisés : les arches en ogives disparaissent au profit de voûtes en anse de panier.
Le développement des réseaux routier et ferroviaire au XIXème siècle, provoque une floraison de ponts, présentant souvent une architecture et une stéréotomie assez semblables. Encore largement maçonné, quelques ouvrages métalliques apparaissent ici et là.
Au XXème siècle, alors que les structures métalliques se perfectionnent, s'imposent peu à peu le béton armé, puis le béton précontraint qui autorise une plus grande portée.
En Périgord, beaucoup de ponts méritent une attention particulière. Il y a certes, des ponts sans grand intérêt, mais la plupart s'intègrent bien dans les paysages. Ils traduisent le génie de l'homme à vaincre les obstacles naturels.
LE VIEUX PONT DE BOURDEILLES SUR LA DRONNE
Le vieux pont franchit la rivière la Dronne, au pied du château médiéval des XIIIème et XlVème siècles.
C'est un ouvrage massif de près de 95 mètres de longueur, avec une chaussée de 3,95 mètres de largeur. Il comprend six arches, une en ogive tiers-point, les autres en arc faiblement brisé, séparées par des piles à avant-becs triangulaires, montant jusqu'au parapet où ils forment de vastes refuges.
Construit à la fin du XlVème siècle, le pont commandait autrefois l'accès au château par un pont-levis.
Détruit par une inondation catastrophique le 25 janvier 1735, il est reconstruit dans sa quasi-totalité. Les réparations nécessitent : "16 000 quartiers de deux pieds de long et d'un pied d'épaisseur (environ 1 000 m3 de pierre de taille), 1 000 charretées de gros moellons (environ 500 m3), 400 barriques de sable (pour fabriquer environ 400 m3 de mortier)..."
En 1736, François Cabrol, maître-entrepreneur à Brantôme estime le coût total des travaux à effectuer à 11 500 livres. La dépense est supportée par les paroisses voisines avec l'aide de la Province. Le pont reconstruit présente quelques différences avec l'ancien pont. Les voûtes en arc brisé sont remplacées par des voûtes en plein cintre. Seule, la voûte en ogive tiers-point est médiévale.
LE PONT "COUDE" A BRANTOME SUR LA DRONNE
Bâti au XVlème siècle par l'abbaye, pour lui permettre d'accéder à son jardin situé sur la rive gauche de la Dronne, le pont "coudé" à Brantôme se caractérise par son plan exceptionnel. Il se compose de dix arches voûtées, les unes en anse de panier, les autres en arc de cercle, trois d'entre elles sont en retour d'équerre.
En 1735, le pont failli être emporté par une crue exceptionnelle. Dans une supplique adressée au roi Louis XV, les habitants de Brantôme précisent : "Depuis deux mois, les vents, les pluies, les orages et les inondations désolent la ville et ne font pas moins de dégâts dans les campagnes. La rivière, la Dronne qui entoure la ville de Brantôme en Périgord, déborda le 25 janvier 1735 si extraordinairement que par la violence des eaux, une partie des murs de la ville fut abattue et les ponts emportés : l'eau monta de six pieds dans la ville...".
LE VIEUX PONT DE TERRASSON-LA-VILLEDIEU SUR LA VEZERE
Deux ponts franchissent la Vézère et relient les rives droite et gauche de la ville de Terrasson.
Celui ouvert à la circulation automobile date du début du XIXème siècle, l'autre devenu aujourd'hui piétonnier construit sous l'égide de l'abbaye, est mentionné dès 1182.
Le vieux pont de Terrasson est un ouvrage important de plus de 100 mètres de longueur composé de six arches, trois en arcs de cercle et trois autres en arc brisé. Les piles massives sont prolongées par des avants-becs triangulaires.
Endommagé à la suite des guerres de Cent Ans puis de la Fronde, le pont fait l'objet d'importants travaux de réparation à plusieurs reprises.
Devenu inadapté aux besoins de la
circulation, depuis la création de la route nationale n° 89 (Lyon-Bordeaux) en
1810, un nouveau pont plus large est édifié à 300 mètres en aval et est livré à
la circulation en 1833.
LE VIEUX
PONT DE SAINT-JEAN-DE-COLE SUR LA COLE
Saint-Jean-de-Côle, l'un des plus beaux
villages de France, forme un très bel ensemble architectural avec les maisons de
pierre aux toits de tuiles plates, l'église, la halle, le château, l'ancien
moulin et le vieux pont qui enjambe la Cole. Peut-être édifié au XVlème
siècle, le pont comporte trois arches en arc de cercle. Réparé à plusieurs
reprises, il conserve une chaussée toujours pavée de cailloutis.
Bibliographie :
- Les ponts. Monuments
historiques. M. Prade, collection Art et Patrimoine Editions Errance,
Paris
- Les ponts de France.
Presses de l'école nationale des Ponts et Chaussées
- Les ponts en Limousin. J. Lombois,
Association Culture et Patrimoine en Limousin
- Les ponts, du gué à l'aqueduc. H.
Fillipetti, Détours en France n° 12,1993
- Pont ancien de Terrasson. M.Ch Durand,
BSHAP T. XXXI, 1904 p. 104-144
-
L'ancien pont de Bergerac. M.Ch Durand, BSHAP T. XXX, 1903 p.
155-162
- Le pont du bourg rural
de Saint Germain des Prés B. Fournioux, BSHAP T. CXV, 1988 p. 79-82
En 1838, la décision de construire un
canal de dérivation de Mauzac à Tuilières,
s'inscrit dans une volonté d'améliorer la
circulation fluviale sur la Dordogne.
Livré à la navigation en 1843, après de longs et
difficiles travaux, le canal fut rapidement concurrencé par le chemin de fer dès
1852.
Curieux destin pour cet
ouvrage à l'architecture exemplaire, arrivé trop tard dans une période de
mutations économiques, et dont l'utilisation ne cessa de décliner jusqu'en
1939.
Témoignage de l'histoire de
la batellerie, un sauvetage est en cours, en attendant une seconde vie à
vocation de loisirs.
UU CANAL POUR EVITER DE DANGEREUX ECUEILS NATURELS.
La Dordogne constitue depuis le Haut Moyen-Age l'axe de communication privilégié du
Périgord méridional. Au début du
XlXème siècle, les rivières, "ces chemins qui marchent" apparaissent toujours
comme le moyen le plus approprié pour le transport des matériaux
lourds.
Mais la Haute et Moyenne Dordogne demeurent difficilement navigables. Les difficultés sont multiples. Aux pêcheries et moulins qui entravent le trafic fluvial s'ajoutent les obstacles naturels des rochers à fleur d'eau, les "malpas", responsables au cours des siècles de tant de tragédies.
Au XVlllème et au début du XIXème siècles, de nombreux projets fleurissent pour améliorer la navigation fluviale sur la Dordogne. Ils visent à l'intégrer dans le réseau des grands canaux français entre Loire et Garonne.
Un seul projet important aboutira - la
construction du canal de Lalinde pour éviter la succession de trois passages
redoutés des gabariers : le Grand Thoret en amont de Lalinde, la Gratusse à
l'aplomb de la chapelle Saint-Front et les Pesqueyroux juste avant
Saint-Capraise.
DES TRAVAUX LONGS, DIFFICILES ET COÛTEUX
A l'automne 1837, l'administration des Ponts et Chaussées fait procéder à un métré des terrains nécessaires à "l'ouverture du canal de dérivation de la Gratusse". Dès le 4 février 1838, un appel d'offres est lancé pour "la construction du canal de dérivation à ouvrir sur la rive droite de la Dordogne, entre Mauzac et Tuilières et pour la maçonnerie à établir dans le lit de la Dordogne en amont des îles de Mauzac". Cet appel d'offre mentionne la liste complète des ouvrages à réaliser pour un canal d'une longueur de 15,375 km, d'une largeur au plafond de 10m, d'un tirant d'eau de 1,60 m, bordé par un chemin de halage sur chaque rive d'une largeur de 5 m.
- un barrage, celui de Mauzac, édifié au fil de l'eau, destiné à alimenter par un bief, le futur canal.
- dix écluses dont les sept de "l'escalier" de Tuilières, destinées à rattraper les 24 mètres de dénivelé entre l'entrée et la sortie du canal.
- cinq maisons d'éclusiers (dont deux à Tuilières, l'une en amont, l'autre en aval de "l'escalier")
- trois bassins (Lalinde, Couze et Saint-Capraise)
- onze aqueducs, déversoirs permettant de vider les biefs du canal dans la Dordogne par un système de bondes.
- sept ponts dont un pont-canal à Saint-Capraise.
Quinze entreprises du Sud-Ouest de la France répondent à l'appel d'offres. Finalement c'est l'entreprise Troye et Danjou de Bordeaux qui remporte le marché en proposant un rabais de 18 % sur le devis initial de 1 550 000 francs-or. Les travaux débutent courant 1838 après les premières expropriations.
En juillet 1839, on recense 709 ouvriers travaillant sur le chantier : carriers, tailleurs de pierre, maçons, bouviers, charpentiers, forgerons, charrons, manoeuvres.... dont plusieurs femmes employées elles-mêmes au gros oeuvre.
Rapidement des difficultés apparaissent sur cet important chantier. Des émeutes éclatent, contenues par l'intervention du 18ème léger, aidé par la gendarmerie de Lalinde. Les contacts avec la population autochtone sont souvent difficiles, une lettre adressée en juillet 1839 à l'ingénieur en chef de Bergerac mentionne : "A peine la nuit est-elle venue qu'un certain nombre d'ouvriers parcourent par hordes la campagne et les villages et satisfont avec une épouvantable cruauté leur vengeance ou leur cupidité. Trois meurtres commis depuis pou de jours viennent à l'appui de nos assertions. La terreur règne parmi tous les habitants".
De plus, les rapports entre les ingénieurs chargés de la direction de la surveillance des travaux et les entrepreneurs se détériorent. Il s'avère vite que les deux associés Troye et Danjou ont sous-estimé le coût d'un chantier plus difficile que prévu et ravagé par quatre crues de la Dordogne entre 1839 et 1844. En 1839, la réalisation du canal est confiée à une régie. En 1841, un premier essai de mise en eau du canal est tenté. C'est un échec, une brèche dans le mur de soutènement de Saint-Capraise est vite repérée.
Finalement le canal coûtera plus du double des prévisions initiales et fera dire à Louis-Philippe : "Mais ce canal, on ne le pave quand même pas avec des pièces d'or..". En 1843, le canal est enfin ouvert à la navigation.
Des travaux d'aménagement seront entrepris après deux années d'exploitation du canal. En 1845, un port de chargement est aménagé sur le bassin de Couze, de même une "cale sèche" à Saint-Capraise. On renforce aussi le mur de soutènement qui sépare dans la traversée de cette localité, le canal de la Dordogne.
A deux kilomètres en aval de Bergerac, le barrage de la Salvette, construit de 1846 à 1854, doté d'une vaste écluse à sas, contribue à régulariser la Dordogne en amont ; le plan d'eau ainsi relevé, annihilant les rapides des Percherons et les hauts fonds de Piles -
Notons enfin, qu'en 1904, les portes
d'écluses en bois seront remplacées par des portes en fer, actionnées à la
manivelle.
UNE ORGANISATION RIGOUREUSE.
Madame Marion Gontier dans un excellent article paru dans le journal de la Dordogne en mai 1990, donne des renseignements précis sur la gestion du canal par l'administration des Ponts et Chaussées :
"Quatre cantonniers sont chargés de l'entretien du canal et de ses dépendances, sous l'autorité directe des éclusiers. Outre les manoeuvres classiques d'éclusage, ils assurent un rôle de surveillance du trafic et vérifient les laissez-passer dont chaque batelier doit être muni et tiennent un état trimestriel des bateaux qui éclusent et un rôle de police : assermentés, lis peuvent dresser. des procès verbaux. lis sont de service quasiment 24 heures sur 24, en contrepartie ils sont logés dans les maisons d'écluses, toutes bâties sur le même plan...
Responsable des cantonniers et des
éclusiers, le garde ambulant doit faire deux tournées par semaine d'un bout à
l'autre du canal, à des jours et à des heures différents, afin de ne jamais être
attendu. Il ne doit de comptes qu'à l'ingénieur".
L'IMPACT DU CANAL SUR LA NAVIGATION FLUVIALE ET SUR LE VILLAGE DE SAINT-CAPRAISE
Dès son ouverture, le canal de Lalinde connaît une rapide progression de sa fréquentation : 29 750 T en 1852, 46 000 T en 1858. Il entraîne la disparition des pittoresques pilotes de la Gratusse qui, depuis des siècles, guidaient le passage des embarcations dans les "malpas" tant redoutés.
L'aménagement de bassins portuaires modifie profondément le paysage et les habitudes des localités où ils sont implantés. Ainsi le vieux port de l'Aguillou à Lalinde est abandonné et les activités jadis tournées vers la Dordogne, se concentrent désormais autour du canal. Le village de Saint-Capraise retrouve un second souffle par ses aménagements, bassins de radouls et chantier de construction. Une nouvelle corporation apparaît, les charpentiers de navires dans le recensement de 1846.
LA CONCURRENCE DU RAIL, DE LA ROUTE ET LE DECLIN DE L'ACTIVITE BATELIERE
L'essor de la fréquentation du canal fut de courte durée. Les aménagements de la Dordogne sont arrivés trop tard. L'économie est en pleine mutation à partir de 1830, les transports aussi. A la complémentarité des régions des pays de la Haute et de la Basse vallée, se substitue un marché national plus ouvert dont les grands axes de circulation vont recouper le fleuve Dordogne, à la recherche de voles rapides vers Paris (exemples l'axe Paris-Bordeaux et celui Paris-Toulouse par Souillac). Les grandes routes royales sont améliorées. Des voies parallèles au fleuve sont aménagées, des ponts remplacent les bacs...
L'arrivée du chemin de fer dans la vallée de la Dordogne va mettre un terme à l'activité marchande du fleuve. En 1872, Bergerac est relié à Bordeaux en 1882 C'est au tour de Sarlat. La batellerie ne put résister face à la concurrence du chemin de fer, plus rapide, plus régulier et à la souplesse du transport routier en pleine évolution dans la seconde moitié du XIXème siècle. Saint-Capraise voit le nombre de ses "marins et mariniers" diminuer : 39 en 1836 pour 383 habitants, 31 en 1846, 11 en 1896, 5 seulement en 1921.
Par contre, grâce à ses installations (entrepôts, "cale sèche"... ), les activités commerciales de construction et surtout de réparation vont perdurer dans cette localité jusqu'à la première guerre pour la construction et jusqu'aux années 40 pour la réparation.
TEMOIGNAGE D'HENRI GONTHIER, LE DERNIER BATELIER
Dans un article paru dans Sud-Ouest le 26 août 1993, Henri Gonthier qui commença à naviguer en 1922 à l'âge de 15 ans, batelier à Saint-Capraise relate ses souvenirs...
Notre première gabarre, la "Jean-Georgette" a été construite à la fin du XlXème siècle. Elle était en bois de chêne. Il y avait des chantiers à Bergerac, Libourne, Bordeaux... Elle portait 100 tonnes de tannin que nous chargions à Couze et emmenions jusqu'à Bordeaux. La cargaison partait ensuite vers l'Angleterre ou les Pays-Bas.
Avant la motorisation en 1920, il fallait huit jours pour descendre. En tout, avec les chargements, on pouvait faire un ou deux voyages par mois. La remontée de la rivière se faisait avec la marée jusqu'à Castillon-la-Bataille, puis à l'aide de bouviers, qui étaient requis par les Ponts et Chaussées. C'était des agriculteurs qui faisaient un bout de remontée de cinq ou dix kilomètres, puis qui passaient le cela! à d'autres. Moi, je n'ai connu que le moteur, il faisait cinquante chevaux et deux jours suffisaient alors à descendre. On remontait avec du charbon, du souffre, des sulfates, du ciment et de l'épicerie. On avait deux bateaux : la gabarre et le "courpet", ou "tallège" plus petite, dans laquelle on transvasait une partie de la cargaison pour passer là ou le tirant d'eau était très faible...
C'est après 1914 que la plupart des gabarres ont disparu... Nous avons pu continuer mon père, mon frère et moi, parce que notre cargaison, le tannin était prise au bord de l'eau. Il n'y avait pas de manutention. Pour le vin, les matières qui n'étaient pas produites directement le long de la Dordogne, les choses sont allées différemment Les camions allaient les chercher sur place... En 1939, à cause de la ligne de démarcation on a dû arrêter... Maintenant les passes sont obstruées, la rivière n'est plus navigable. Il y a moins de poisson. Çà me fait mal au c_ur de voir la rivière sans navigation, mais c'est le progrès..."
UN CANAL A SAUVER
C'est en 1937, que la dernière gabarre emprunte la voie d'eau entre Mauzac et Tuilières. Le canal fut définitivement condamné après le dramatique accident du tour de France. Le 11 juillet 1964, un camion de la caravane fauche la foule massée dans un virage tout près du canal. Le bilan est lourd : huit morts et de nombreux blessés. Sous le choc de l'émotion, on prend la décision de redresser le virage et de buser le canal à cet endroit. Depuis de longues décennies, le canal est laissé à l'abandon. En 1987, un Syndicat Intercommunal constitué des communes riveraines succède à la société d'exploitation du canal. En août 1992, un décret concède au syndicat "l'exploitation et les travaux d'entretien et d'aménagement du canal de Lalinde en vue d'assurer le maintien en eau de cette voie et l'écoulement normal des eaux, de satisfaire les besoins de l'industrie, de l'agriculture, de protéger la vie aquatique et l'environnement et accessoirement permettre la pratique de loisirs nautiques" .
Une Association de Sauvegarde du Canal et
des Ouvrages de Tuilières à Mauzac est née en août 1992. Elle milite pour
le classement des ouvrages, la sauvegarde des écluses et des maisons
d'éclusiers, le classement du canal en canal d'irrigation et l'amélioration des
sites. Les travaux de sauvetage sont considérables. lis visent à
stabiliser et restaurer les berges, désenvaser les bassins, réaménager le goulot
d'étranglement de Port de Couze, réhabiliter le canal à des fins de
loisirs. Un sentier d'interprétation du site de Tuilières vient d'être
aménagé. On peut y découvrir "l'escalier" du canal, le barrage et l'usine
hydroélectrique exploités par E.D.F et "l'ascenseur" à poissons. Le
public, en parcourant le sentier pourra mesurer l'importance des travaux à
engager pour restaurer la partie la plus spectaculaire du canal...
Bibliographie :
- Le journal du Périgord. Article de
Mme Marion Gontier, mai 1990 article de Mme Suzanne Boireau-Tartarat
septembre 1994
- Dordogne-Périgord. Un métier spécifique
: la batellerie. Yan Laborie, Editions Bonnefond
- Rivières et vallées de France : la
Dordogne, Editions Privat
- Un
fleuve et des hommes : les gens de la Dordogne au XVIIIème siècle.
A. M Cocula-Vaillières
- La vie
quotidienne en Périgord au temps de Jacquou le Croquant G. Fayolle, Editions
Hachette
- La Dordogne
autrefois. A. Paule et C. Felix, Editions Horvath
- La journal Sud-Ouest
- Le journal de la Dordogne
La domestication de l'énergie hydraulique
pour moudre le grain, presser l'huile, fabriquer la pâte à papier, scier le
bois, tanner les peaux, actionner les soufflets et les marteaux des forges fut
en son temps une innovation essentielle.
Elle épargna à l'homme un travail fastidieux et
concentra les activités le long des cours d'eau.
La quasi-totalité des moulins n'a pas survécu aux
mutations économiques des XlXème et XXème siècles.
Vers 1809-181 1, on comptait un moulin pour environ
160 habitants, plaçant ainsi le département de la Dordogne au 9ème rang en
France.
S'il existe encore
quelques rares moulins en activités ; beaucoup, abandonnés, ruinés ont
disparu.
D'autres ont été
transformés en résidence principale ou secondaire.
Des mouvements associatifs dynamiques comme les
"Amis des Moulins Bandiat-Tardoire" ou la SAPPAC, s'efforcent de conserver et de
promouvoir un patrimoine artisanal et industriel multimillénaire.
LES MOULINS : UN PEU D'HISTOIRE
De la meule dormante aux premiers moulins à eau.
Au Paléolithique, l'une des préoccupations essentielles de l'homme est de se nourrir pour assurer sa survie. Il vit de chasse, de pêche et de cueillette.
Au Néolithique, dès le IXème millénaire avant J.C au Proche-Orient, à partir de 5000 avant J.C en Périgord, l'homme devient progressivement pasteur et agriculteur et se sédentarise. Il cultive les céréales et transforme les graines récoltées en farine. Les céréales sont d'abord broyées sur une meule dormante plane, sur laquelle on écrase le grain à l'aide d'un galet par un mouvement de va-et-vient. On utilise ensuite le pilon et le mortier, c'est la technique des égyptiens au lie millénaire. Au cours des siècles, le mouvement circulaire ne cesse de se perfectionner. C'est d'abord le moulin "à bras", formé de deux meules de pierre superposées, une meule inférieure fixe "dormante" et une meule supérieure "allante" qui tourne, le grain est introduit par le centre évidé de la meule supérieure. Un peu plus tard, les meules plus grosses sont man_uvrées par des esclaves ou des animaux : c'est le moulin "à sang".
Ce sont les romains qui découvrent le moulin à eau, en Asie Mineure, au 1er siècle avant J.C et l'introduisent en Italie. De là, il gagne le reste de l'Europe. Le poète grec Antipatros de Thessalonique écrit au temps du règne d'Auguste : "Femmes occupées à moudre le grain, cessez de fatiguer vos bras ! Dormez à votre aise et laissez chanter les oiseaux dont la voix annonce l'aurore. Cérès ordonne aux Naïades de faire ce que faisaient vos mains" .
Les premiers moulins à eaux sont à roue horizontale. L'eau courante de la rivière anime des pales fixées sur axe, ce dernier actionnant à son tour une meule mobile reposant sur une meule fixe, dite dormante. Le grain est écrasé entre ces meules. Quelques siècles plus tard s'impose la roue verticale, par le jeu des engrenages une giration verticale est transformée en giration horizontale.
C'est au IVème siècle, qu'est construit à
Barbegal près d'Arles, une véritable usine de meunerie, le "plus grand complexe
industriel connu de l'Empire romain" (J. Gimpel), utilisant la force
hydraulique et conçu pour moudre du blé pour 80.000 personnes. L'eau
amenée par un aqueduc permettait d'entraîner deux groupes de huit meules qui
pouvaient écraser 28 tonnes de céréales en une journée de 1 0 heures. Huit
cents esclaves auraient été nécessaires pour obtenir la même production avec la
technique des moulins "à bras"...
La multiplication des moulins à eau aux activités
diversifiées.
Marc Bloch écrit : "invention antique, le moulin à eau est médiéval par l'époque de sa véritable expansion".
Au Moyen-Age, les seigneurs sont à l'origine de la diffusion des moulins. Au début du Xlème siècle s'instaure la banalité. Les moulins, dits banaux, appartiennent aux seigneurs qui obligent leurs sujets à venir y moudre leur grain moyennant paiement d'un droit qui constitue pour ses propriétaires une source de revenu importante. Destiné à l'origine à moudre le grain et à écraser les oléagineux, le moulin voit ses activités se diversifier avec l'invention de l'arbre à cames. De nombreux métiers changent de dimension et l'on assiste à un véritable essor industriel - On l'utilise pour concasser le minerai, frapper ou forger le fer (moulins-martinets), pour débiter le bois (moulins-scieries), pour tanner les peaux (moulins à tan), pour fabriquer la pâte à papier à partir de chiffons (moulins à papier)...
Les mutations économiques et la disparition des petits moulins
L'essor du machinisme industriel et de nouvelles méthodes de production à partir du XIXème siècle ont contribué à la disparition progressive des moulins.
La machine à vapeur, puis les moteurs
modernes ont concurrencé de plus en plus fortement l'énergie hydraulique. Les
petites entreprises n'ont pas eu les moyens de moderniser leur équipement dans
des bâtiments souvent exigus, aux techniques modernes. Les turbines se
sont substituées aux roues, les cylindres métalliques finissent par remplacer
les meules de pierre dans les meuneries. L'utilisation du coke dans les
hauts fourneaux des forges, du bois dans les papeteries s'accompagnent d'une
nouvelle localisation géographique des entreprises. Faute de pouvoir subir
la concurrence les petits moulins se sont éteints les uns après les
autres.
DEUX GRANDS TYPES DE MOULINS A EAU.
La roue est l'élément essentiel du moulin qui transforme l'énergie cinétique de l'eau en énergie mécanique. Il existe deux grands types de moulins à eau : les moulins à roues horizontales et les moulins à roues verticales.
Les moulins à roues horizontales.
On les rencontre surtout dans le sud du Périgord et dominent, voir exclusivement dans certains départements au sud d'une ligne qui va de Bordeaux à Genève.
Cette technique est ancienne et était connue des grecs, puis des romains dès le lie siècle avant J.C. Le moulin enjambe la rivière, la roue horizontale est placée sous le bâtiment percé d'arches afin de permettre le passage de l'eau. La roue est mise en rotation par l'eau qui vient frapper les aubes, palettes ou selon leur forme, cuillères. Le mouvement relativement lent de l'arbre de la roue est démultiplié avant d'être renvoyé aux meules par un système d'engrenage très simple. Ce sont ces roues qui ont donné naissance aux turbines moderne
Les moulins à roues verticales.
Ils prédominent au nord de la France et du département de la Dordogne. La roue est située au flanc ou au pignon du moulin et est parfois abritée par un auvent. On distingue trois types de roues verticales en fonction de la façon dont elles reçoivent l'eau.
Les roues en-dessus.
On les trouve surtout sur les cours d'eau à faible débit. L'eau arrive d'en haut par un cheval et remplit les augets de la roue, sortes de caissons de bois superposés. C'est le poids de l'eau qui fait tourner la roue régulièrement sans à coup.
Les roues en-dessous.
On les rencontre principalement sur les ruisseaux à grand débit ou les rivières. C'est la pression de l'eau qui agit sur des pales droites : les aubes, qui provoque la rotation de la roue.
Les roues de côté.
L'eau arrive légèrement au-dessus de l'axe ou légèrement en-dessous. Elles comportent des augets ou des pales de différentes formes dans le but d'améliorer Inefficacité de la roue.
La roue verticale est couplée à un grand rouet denté qui s'engrène sur un système de renvoi d'angle pour transformer le mouvement vertical en mouvement horizontal. Autrefois, on utilisait un bois très dur, le cormier ou le buis par exemple pour les roues des engrenages. Progressivement, on a employé la fonte pour une partie de ces pièces.
Enfin, le bon fonctionnement d'un moulin est subordonné à une bonne maîtrise du système hydraulique. La roue tourne dans un canal de dérivation appelé coursier. Le débit est régulé par des vannes déplacées à l'aide de leviers. Une grille retient souvent les branches et tous objets qui pourraient abîmer les aubes de la roue.
UN PATRIMOINE ARTISANAL ET INDUSTRIEL A SAUVEGARDER.
Eléments majeurs de nos paysages ruraux, les moulins témoignent de la mise de l'eau au service de l'homme.
Beaucoup ont disparu après la révolution
industrielle, parfois quelques ruines rappellent Ici et là l'existence d'anciens
moulins. Les rares moulins qui ont survécu, sont devenus le symbole d'une
période révolue. Dépouillés de leurs machines, la plupart ont été transformés
après restauration, en résidences principales ou secondaires. Quelques-uns
ont été reconvertis en hôtels-restaurants. Des associations oeuvrent pour la
sauvegarde de ce patrimoine qui a pris une part importante dans le développement
économique de notre région. C'est le cas de la SAPPAC pour les moulins à papier
de Couze et des "Amis des Moulins Bandiat-Tardoire". Cette dernière association
s'efforce de conserver et de promouvoir les moulins situés dans le Parc Naturel
Régional du "Pays Bandiat-Tardoire". Chaque année, le dernier dimanche de
février, elle organise une opération "portes ouvertes" dans les moulins encore
en activités.
Bibliographie :
- Energies d'autrefois. B.
Dufournier, E.P.A - VILO T. 1, 1980
- La France des Moulins. G. Simonnet, Albin Michel
1988
- Aimer les moulins de France
J.P Henri Azéme, Editions Ouest - France 1995
- Guide des Moulins en France A. Candoré, Pierre
Oray Editeur 1992
- La Bretagne
des Moulins P. Borgella, ABRI 1992
- L'huile de noix en Poitou A. et P. Lacroix, Edité
à compte d'auteur 1991
- La
lanterne et le hérisson - Visites aux moulins des Vosges Saônoise ,
supplémentaire du bulletin n° 12 1993 SHAARL
- Les Moulins de l'Ouest. C. Homualk de Lille,
Vieux Chouan Editions 1987
-
Chancelade : les chemins de la mémoire. B. Reviriego - Mairie de
Chancelade 1994
- Encyclopédie de
Diderot et d'Alembert
- Les
moulins d'hier à demain. R.V 273, C.N.D.P
- Moulin à eau, moulins à aubes. J.
Baillardeau. Détours en France n° 9 1993
- Toi, le moulin de mon c_ur. S. Boireau -
Tartarat. Le journal du Périgord déc. 1991
- La noix, fruit d'avenir. D. Lavigne. Le
Journal du Périgord sept. 1991
- Documentation diverse :
Les Moulins Vivants du Bandiat - Tardoire
Office du Tourisme. Le Bugue
Le Journal Sud - Ouest
LE MOULIN DE PINARD AU BOURDEIX
Situé en Périgord vert, au nord-ouest de
Nontron sur la commune du Bourdeix. Blotti dans la vallée de la Doue, affluent
du Bandiat , le moulin de Pinard est l'un des moulins vivants de la région du
Bandiat-Tardoire.
Après une
restauration exemplaire, Il a repris du service et produit de la farine et de
l'huile de noix.
UN JOLI PETIT MOULIN
Le moulin de Pinard est sans doute l'un des plus beaux moulins en activité en Périgord. Construit en granite, au bord de la Doue, dans un vallon encaissé et boisé, en contrebas d'une retenue d'eau, le moulin, après cinq années de restauration s'est remis à fonctionner après une trentaine d'années d'inactivité.
Son actuel propriétaire, François
Laguionie, perpétue ainsi une longue tradition artisanale. Dans la famille
depuis six générations, les origines du moulin sont très anciennes puisque des
documents d'archives attestent son existence en 1249.
UN MOULIN A ROUE EN-DESSUS
Une puissante roue en chêne à augets, mue par l'eau d'un coursier ou "chemin de bois, au-dessus de la roue, actionne le moulin à farine et le moulin à noix. Le poids de l'eau tombant dans les caissons superposés (augets), fait tourner la roue régulièrement. Un système de renvoi d'angle composé d'un rouet fixé sur l'arbre de la roue et d'une lanterne, transmet l'énergie aux meules.
Le bâtiment comporte deux pièces contiguës : l'une abrite les équipements pour la mouture des céréales ; l'autre, ceux pour la fabrication de l'huile de noix.
LA MOUTURE DES CEREALES
Le moulin à farine se compose de deux meules : la meule dormante qui reste fixe et la meule rnouvante qui tourne au-dessus, sur un axe passant au centre de la dormante.
Pour broyer le grain, on le verse dans le
trou central de la meule à l'aide d'une trémie. Il s'engage entre les deux
meules dans des rainures gravées dans chacune d'elles, qu'il faut refaire
régulièrement. La force centrifuge entraîne les céréales broyées vers
l'extérieur. La mouture tombe alors dans un coffre en bois, pour ensuite
être dirigée dans le bluttoir où elle est tamisée pour séparer la farine du
son.
LE MOULIN A HUILE DE NOIX
La fabrication de l'huile de noix requiert trois opérations : le broyage, la chauffe et le pressage.
Le broyage.
Les cerneaux de noix sont déversés dans un "bassin" en granite, haussé sur un socle à hauteur d'homme. Puis la grosse meule en silex, actionnée par la force hydraulique écrase les cerneaux. Un racloir ramène constamment la pâte sous la meule.
La chauffe
C'est l'étape la plus importante de la fabrication. La pâte récupérée sous la meule est placée dans la grande poêle en fonte, pour y être chauffée. Cette opération a pour but d'évaporer l'eau des noix et de faciliter l'extraction de l'huile. C'est au cours de la chauffe que l'huile prend son goût et son parfum. Pas assez chauffée, elle sera fade, trop chauffée, amère. Elle exige beaucoup de savoir-faire de la part de l'huilier. Un feu doux de bois de châtaignier permet une cuisson lente et d'atteindre une température comprise entre 50 et 700. Il faut prendre soin de gratter en permanence le fond de la poêle, afin d'éviter que la pâte colle au fond. La température voulue est évaluée à la couleur de la pâte. Trois quart d'heure à une heure plus tard, la pâte est prête à être pressée.
Le pressage.
La pâte est retirée de la poêle à l'aide d'une pelle de bois et est mise sous presse dans un bac également de bois, tapissé aujourd'hui d'une toile de nylon. La presse est d'abord man_uvrée à la main, puis à l'aide d'un treuil permet, à la seule force musculaire, grâce aux diverses démultiplications une pression de 25 tonnes.
Rapidement s'écoule le liquide doré à l'odeur forte : l'huile de noix.
Le résidu du pressage, le tourteau sera
utilisé pour l'alimentation des animaux. Mais on peut aussi l'utiliser pour la
fumure du tabac ou comme appât pour la pêche. Pour obtenir 15 livres d'huile, il
faut environ 30 kilos de cerneaux de noix, ce qui représente 90 kilos de
noix.
Ancien moulin banal, situé tout près du château et d'un imposant pigeonnier, sur la rive gauche du Bandiat, le moulin Martin fait partie d'un bel ensemble architectural, propriété jadis des seigneurs de Javerlhac.
QUELQUES ELEMENTS D'HISTOIRE
La présence du moulin seigneurial est attestée dans un testament daté du 20 mai 1505 de Dauphin Pastoreau, seigneur de Javerlhac, en faveur de ses quatre filles.
En 1681, le moulin passe aux mains de Nicolas de Labrousse, seigneur de Verteillac qui acquiert la seigneurie de Jumilhac.
Lors de la Révolution Française, les descendants de Nicolas de Labrousse émigrent et leurs biens sont confisqués.
En 1793, la municipalité de Javerlhac vend le moulin et ses dépendances au meunier fermier, Bernard Bordas. L'acte de vente stipule : "Un moulin situé sur la rivière du Bandiat, composé de deux meules à blé, dont une à froment et l'autre à mixture... après un examen de la valeur de tous les susdits objets, estime qu'elles sont de la valeur de la somme de quatre mille huit cents livres..."
La même année, le maire de Javerlhac Jean Vallade Lacaud déclare que le moulin "peut produire 200 livres de farine à l'heure" soit plus que la plupart des autres moulins des alentours. Son activité est alors importante et "il n'est gêné que très peu par de très grosses eaux, tandis que Jommelières est obligé de ne pas faire moudre au moins 2 mois par an..."
Jusqu'en 1927, le moulin Martin demeure la propriété de la famille Bordas.
En 1892, un contrat de fermage signale : "Un moulin garni de deux paires de meules et de tous ses tournants, virants, travaillants, d'un pressoir à huile avec tous ses accessoires, étable sur le côté, l'écluse et le cours d'eau alimentant le moulin... le bailleur se réserve le droit de faire moudre dans le moulin affermé tout le blé nécessaire, d'y faire son huile... il se réserve le droit de faire actionner une pompe par la roue. Le présent contrat fait et accepté moyennant le prix de 600 Fr pour les neuf premiers mois et de 900 Fr pour l'année suivante".
Dès le début du XXème siècle, le moulin Martin semble avoir cessé toute activité. L'acte de vente de 1927 porte la mention "moulin en ruines...". Par la suite, le bief est aménagé pour faire fonctionner une génératrice, la roue sert à actionner une pompe ou à broyer les aliments pour animaux. Le moulin n'en a pas moins perdu ses fonctions essentielles.
Devenu maison d'habitation, il est acheté en 1985 par Madame Manem. Elle entreprend des travaux de restauration afin de redonner vie au moulin.
Aujourd'hui, le moulin Martin travaille à la demande des particuliers et fabrique de l'huile de noix.
UN MOULIN A ROUE A AUBE DE COTE
Le moulin est alimenté par un bief sur la rive gauche du Bandiat. Autrefois, le moulin possédait trois roues : une roue de côté et deux roues de dessous : deux pour le grain et une pour l'huile.
Aujourd'hui, il ne subsiste plus qu'une roue à aube de côté. Elle est enfermée dans un canal qui s'étend depuis la base de la roue jusqu'à l'endroit où elle reçoit l'eau par une vanne que l'on peut élever à la demande. L'eau, en frappant les aubes très légèrement au-dessous du niveau de l'axe de la roue, provoque sa rotation. Pour une meilleure efficacité de l'eau sur les aubes, la roue est enserrée entre deux murs parallèles et la maçonnerie du fond, de forme circulaire, est rasée par les aubes.
Le mouvement de la roue est transmis par un arbre, à un rouet qui entraîne par des systèmes de poulies et courroies la meule verticale pour écraser les cerneaux de noix et un brasseur dans la grande poêle où les cerneaux sont chauffés avant d'être pressés
Bibliographie :
Le Moulin Martin de Javerlhac. Cahiers de
la Chapelle - Saint - Robert. Article de M.A Manem n° 5, juillet
1986
L'industrie du papier est très ancienne en
Périgord.
Elle s'est développée au
XVème et XVIème siècle le long des rivières
réputées pour la qualité et les propriétés de leur
eau.
Des moulins à papier
jalonnent les rives de la Dronne, de la Lizonne, de la Nauze, de l'Isle et
surtout de la Couze.
La vallée de
la Couze concentre à elle seule la moitié des 24 moulins recensés à l'époque de
la Révolution dans le département de la Dordogne.
Ces moulins, animés par de puissantes dynasties
papetières, fabriquent tous au XVlllème siècle du papier aux armes
d'Amsterdam.
Couze, par la
concentration de bâtiments assez bien préservés, pour la plupart du XVllème et
XVIllème siècles, représente un site d'archéologie industrielle du papier unique
en France.
LES ORIGINES DU PAPIER ET DES MOULINS A PAPIER
Le papier succède au papyrus et au parchemin comme support de l'écriture. Au llème siècle av. J.C, les chinois inventent le procédé de fabrication du papier à partir de bambou, lin et paille. En l'an 105, Tsai Lun, haut fonctionnaire chinois, fait part à l'empereur qu'il vient de réussir à produire du papier à partir de chanvre, d'écorce, de vieux chiffons et de filets de pêche.
Au Ville siècle, les arabes vainqueurs des chinois à Samarkand obtiennent des vaincus le secret de la fabrication du papier qu'ils améliorent par la suite. La technique du papier est diffusée, par l'intermédiaire des Arabes, en Afrique du Nord au Xllème siècle, puis en Europe méditerranéenne (Espagne, Sicile et Italie) aux Xlllème et XlVème siècles.
Les italiens perfectionnent la fabrication du papier en utilisant la colle à base de gélatine animale et le séchage du papier à l'air sur des cordes. Ce sont eux aussi qui améliorent la technique du broyage, en remplaçant la meule par un système de leviers armés de pilons broyeurs et animés par une roue hydraulique : le premier moulin était né et c'est sous cette forme qu'on le rencontre un peu plus tard en France.
Sa conception n'a guère évolué jusqu'au début du XVIllème siècle. La force motrice est en règle générale l'eau qui sert à faire tourner une roue à aubes. Toutefois la Hollande qui utilise la force du vent innove en remplaçant la pile à maillet par la pile cylindrique, à partir de 1682.
Au XlVème siècle, les premiers moulins à papier apparaissent dans le sud-est de la France, puis sur l'ensemble du territoire aux XVème et XVIème siècles. Les techniques artisanales de fabrication du papier, ainsi que la tradition familiale se perpétueront jusqu'au milieu du XIXème siècle. Sous la Renaissance, l'utilisation du papier ne cesse de croître, depuis la mise au point par Jean Gutenberg, du procédé d'imprimerie en caractères mobiles, imaginé par les chinois au Xlème siècle. Les premiers moulins à papier de Couze datent de cette période
UNE TRADITION PAPETIERE ANCIENNE A COUZE :
DES CONDITIONS FAVORABLES
Si la tradition papetière est ancienne à Couze, c'est que tout un ensemble de conditions favorables étaient réunies pour la fabrication du papier. Tout d'abord l'eau. La Couze est une petite rivière aux allures de torrent qui se jette dans la Dordogne. Son débit assez régulier et sa force ont incité l'homme à l'utiliser pour faire tourner des moulins. La qualité de l'eau et sa composition ont joué un rôle déterminant dans l'implantation des fabricants de papier. Il est en effet nécessaire de disposer d'une eau particulièrement pure pour blanchir les chiffons. Enfin, notons la bonne situation géographique de Couze à 17 kilomètres en amont de Bergerac, proche de la Dordogne, fleuve commerçant où circulent les gabarres en direction de Bergerac, Libourne ou Bordeaux, facilite l'approvisionnement de la matière première (chiffons... ) et la commercialisation du papier vers Bordeaux, puis de là vers l'Europe du Nord.
DE PUISSANTES DYNASTIES DE MAITRES PAPETIERS
Dès le XVIème siècle, les maîtres
papetiers sont des notables puissants et respectés, car lis assurent à de
nombreux hommes et femmes un salaire régulier, plus confortable que les revenus,
souvent aléatoires de la terre. La tradition papetière à Couze repose sur
quelques familles, les Ballandes, les Grefoud... mais surtout, les Jardel, les
Prat et les Dumas - Les papiers filigranés "Jardel 1456 "attestent de
l'ancienneté de cette dynastie de maîtres-papetiers En 1741, on trouve cinq
Jardel, dont trois dans les moulins appartenant au sieur de Lapalisse. En
1770, les Jardel possèdent trois moulins à Couze, les Dumas, deux et les Prat,
un. Ces trois familles tissent entre elles de solides liens et contrôlent
l'industrie papetière à Couze. Un descendant d'une de ces anciennes
familles perpétue aujourd'hui encore la tradition papetière, à la société
Prat-Dumas qui produit un papier filtre mis au point par Pierre Prat vers
1840.
PROSPERITE, ADAPTATION ET DECLIN DES MOULINS A PAPIER DE COUZE
A Couze, l'activité papetière reste prospère jusqu'au XlXème siècle. Après avoir travaillé longtemps pour des commanditaires hollandais les papetiers en proie à des difficultés, à la concurrence du bois et de la fibre végétale vont s'orienter vers le papier filtre, avant de connaître un déclin inexorable au début du XXème siècle, qui amènera la plupart des papetiers, à cesser peu à peu toute activité.
Des moulins travaillant principalement pour la Hollande : le temps de la prospérité
Jusqu'à la fin du XVIllème siècle, la Hollande représente le principal marché des papetiers de Couze. C'est l'époque où les Provinces Unies, éprises de liberté, sont la terre d'élection et de diffusion d'ouvrages dans toute l'Europe. Leur production en papier est très nettement déficitaire face à une demande qui ne cesse de croître. Cette situation donne une grande impulsion à la fabrication périgourdine et angoumoisine. Les papetiers de Couze agissent comme des sous-traitants, le papier fabriqué est revendu comme papier de Hollande en Europe du nord et en Russie par des négociants hollandais.
Monsieur Nicolaï, auteur de deux ouvrages, l'un sur l'histoire des moulins à papier du Sud-Ouest de la France, l'autre sur les filigranes explique : "la production était retenue deux années à l'avance par contrats reçus chez le notaire où l'on stipulait la sorte de papier que le fabricant devait livrer, son poids, ses dimensions, sa qualité. Un échantillon signé par les parties et le tabellion était joint au contrat ainsi que le modèle de filigrane".
Les moulins de Couze face aux mutations économiques du XlXème siècle.
Des difficultés apparaissent sous la période révolutionnaire. La main d'oeuvre puis la chiffe viennent à manquer. le commerce est rendu difficile par la conjoncture. Les papetiers ne peuvent plus représenter les croix et couronnes en filigranes et perdent leur principal débouché. Les premières roues s'arrêtent de tourner. Après la Révolution et l'Empire, beaucoup de papetiers restent fidèles aux anciennes pratiques, hésitent à investir dans de nouveaux outillages et à utiliser de nouvelles techniques.
En 1810, le sous-préfet de Bergerac, Maine de Biran , note dans un rapport : "la papeterie est encore importante mais en décadence par la privation des anciens débouchés offerts à ses produits. La papeterie la plus renommée est celle du sieur Marot, de Bayac, qui fabrique avec un moulin à cylindre (le seul qui existe dans l'arrondissement), du papier velin qui rivalise avec celui d'Angoulême et a obtenu une distinction flatteuse dans la dernière exposition des produits de l'industrie nationale... Il a soutenu son usine à l'époque où celles de ses confrères étaient tombées dans un état d'inaction bien voisin de l'anéantissement. Dans ce temps où toutes les voies d'exportation semblaient fermées, il imagina qu'en faisant des papiers supérieurs, il en rouvrirait une pour lui et, depuis, il a continué de fabriquer les papiers les meilleurs comme les plus beaux qu'il exporte en totalité". A cette époque, les papeteries de Couze emploient encore 132 ouvriers et produisent pour 164 705 francs de papier. Mais la concurrence notamment des papetiers charentais qui utilisent de nouveaux outillages plus performants (piles hollandaises, cylindres sécheurs... ) devient de plus en plus sévère et beaucoup de moulins sont dans une situation très difficile.
L'orientation vers le papier filtre
L'invention des papiers filtres de qualité pour l'industrie chimique, en plein essor au milieu du XlXème siècle, va sauver provisoirement les papeteries de Couze. En 1840, monsieur Pierre Prat, possesseur de plusieurs usines, met au point un papier filtre de forme ronde, plus pratique que la feuille carrée et développe de nombreux marchés. La pharmacie, les laboratoires, les brasseries, la distillerie, la parfumerie... sont ses principaux débouchés. Il installe des machines dans ses usines.
Devant sa réussite, d'autres familles suivent son exemple. Ainsi les Jardel installent dans plusieurs moulins des cylindres et des machines, afin de fabriquer le même type de produit, mais plus spécialement des papiers semi-mous pour le filtrage rapide des sirops et huiles et des papiers extra-forts pour le filtrage lent des alcools et essences. La plupart des moulins encore en activité s'orientent alors vers le papier filtre réservant le papier chiffon pour l'édition et le papier d'art.
Un site d'archéologie industrielle à sauvegarder
Les 13 moulins de la région de Couze avec toute leur infrastructure constitue un site unique d'archéologie industrielle, témoignage d'une tradition papetière ancienne. Quatre de ces moulins ont été rachetés par la commune grâce aux aides financières du Département, de la Région, dans le cadre du Contrat de Pays Lindois et, ont fait l'objet de quelques travaux de mise hors d'eau des bâtiments. Ce patrimoine a été mis à la disposition de la SAPPAC (Association pour la sauvegarde des Anciennes Papeteries et du Patrimoine Archéologique de Couze). Depuis sa création en 1984, la SAPPAC a axé ses efforts sur la restauration du moulin de la Rouzique, le mieux conservé et y a installé un musée actif du papier.
Le déclin et la fermeture des moulins à papier
L'apparition de nouvelles techniques et de nouvelles sources d'énergie à la fin du XIXème siècle et dans le courant du XXème siècle, la nécessité de constituer de grandes unités de production travaillant en continu, vont entraîner le déclin et la fermeture progressive des moulins de Couze. En cette fin de XXème siècle, deux moulins sont encore en activité :
Le moulin de Larroque perpétue la fabrication artisanale du papier à la main. Depuis 1972, George Duchêne élabore un papier destiné à l'édition, la bibliophilie, le dessin, l'aquarelle. Les 4/5 de la production partent à l'étranger. deux grosses entreprises représentent aussi l'activité papetière de la région de Couze : les papeteries Sybille Stenay à Rottersac, spécialisées dans la fabrication du papier cristal, de papiers spéciaux... et l'entreprise Polyrey qui produit des panneaux stratifiés.
LA FABRICATION DU PAPIER DE COUZE
La création d'une feuille de papier passe
par trois grandes étapes : la fabrication de la pâte, la réalisation de la
feuille, son imperméabilisation avec l'encollage.
Chaque étape comporte de multiples
opérations.
LA FABRICATION DE LA PATE
Le triage
Avant d'être découpés, les chiffons appelés "peille" sont triés d'après leur couleur et leur épaisseur.
Le délissage et le découpage
On élimine les boutons, agrafes, boutonnières, ourlets, manches, cols pour ne garder que la partie tissée. Cette opération appelée "délissage" était autrefois surtout effectuée par des femmes aidées par des enfants. Puis, les chiffons étaient découpés en petits carrés.
Le pourrissage
Les chiffons sont mis dans le pourrissoir rempli d'eau afin d'en desserrer les filtres pendant 1 à 3 mois, sous surveillance.
Le défibrage
Le défibrage du tissu s'effectue suivant deux procédés qui se sont succédés dans le temps :
- le plus ancien est celui de la pile à maillets, inventée par les italiens au Xlllème siècle.
C'est une immense cuve en pierre dans laquelle vient frapper plusieurs maillets munis de clous. Une roue immense (six mètres de diamètre), au moulin de la Rouzique, fournit avec le mouvement impulsé par l'eau, l'énergie nécessaire à la batterie de maillets qui défibrent le chiffon qui se transforme en pâte.
L'opération de défibrage à l'aide de la pile à maillets dure de 30 à 40 heures. Il était par conséquent difficile pour un moulin ne possédant que 4 à 5 piles, de produire beaucoup de pâte, donc beaucoup de papier.
- La pile hollandaise inventée à la fin du XVIlème siècle permet de raffiner du chiffon en une dizaine d'heures environ.
C'est une grande cuve ovale dont la partie principale est un cylindre de fonte muni de lames transversales qui déchiquettent les tissus. La pâte obtenue, égouttée, lissée, blanchie est portée dans une pile à ouvrer. La concentration de la pâte est déterminée en fonction du grammage voulu, c'est à dire du poids du papier au centimètre carré.
LA FABRICATION DE LA FEUILLE DE PAPIER
La réalisation d'une feuille de papier est effectuée par deux ouvriers : l'ouvreur ou le puiseur qui travaille à la cuve et le coucheur qui décolle les feuilles réalisées, pour les poser sur un feutre de laine. Les ouvriers utilisent comme outils : la forme et la couverte.
La forme est un châssis rectangulaire en bois supportant un treillis métallique. C'est dans la forme qu'est incrusté le fil de cuivre qui donnera le filigrane du papier.
La couverte est un cache volant qui s'emboîte parfaitement dans le châssis de la forme. C'est elle qui détermine le format et l'épaisseur de la couche de pâte.
L'ouvreur plonge la forme dans la cuve, la retire au bout de quelques secondes, chargée de pâte, puis il laisse l'eau s'écouler avant de la passer au coucheur. Celui-ci dépose la feuille de papier sur une planche inclinée en mettant entre chaque feuille un feutre pour éviter qu'elle ne colle à la précédente : une feuille de papier est née.
La presse
Lorsqu'il a réalisé une porse de 100 feuilles, le papetier les passe au pressoir à main pour faire évacuer l'eau. Il extrait ainsi 60% de l'eau contenue. Au sortir de la presse, la feuille de papier contient encore 40% de l'humidité qu'elle perdra au séchage.
Le séchage
Le séchage des feuilles de papier
s'effectue dans les étendoirs situés à l'étage supérieur des bâtiments, munis de
nombreuses ouvertures permettant ainsi une constante circulation d'air et un
séchage rapide. Les feuilles sont disposées sur des cordes à l'aide d'un T en
bois appelé "ferlet". La durée du séchage dépend du grammage du papier et
de la saison.
L'IMPERMEABILISATION OU L'ENCOLLAGE
A cette étape, le papier est un véritable buvard. Il est impossible d'écrire dessus. Aussi faut-il l'imperméabiliser par l'opération de l'encollage. Elle peut se faire de deux façons :
- dans la masse : au moment de la préparation de la pâte. La colle est ajoutée et mélangée à la pâte avant la réalisation de la feuille par l'ouvreur.
- "au tremper de gélatine" . ce procédé très ancien, né au Xlllème siècle, fut employé jusqu'au XVIllème siècle. Le collage est effectué deux fois par mois. Les jours de collage, on met à bouillir à petit feu dans une énorme marmite ronde en cuivre, de l'eau additionnée d'os, membranes, tendons, peaux sèches... Le produit gélatineux obtenu est mélangé à de l'alun pilé. La colle ne doit être ni trop claire, ni trop épaisse et est maintenue à une température constante. Chaque papetier a sa recette d'encollage qui nécessite beaucoup de savoir-faire. Cette opération conditionne l'imperméabilité, la résistance et la durabilité du papier.
Les feuilles sont trempées par liasses de
plusieurs dizaines de feuilles dans la colle puis passent sous la presse pour
éliminer l'excès de colle. Après un second séchage au grenier. les
feuilles sont prêtes à être expédiées au client.
Bibliographie :
Ouvrages généraux :
- Energies d'autrefois. B. Dufournier,
T.1. Editions E.P.A
- Naissance
d'une feuille de papier. J.L Boithias, C. Mondin
- Moulins à papier de Bretagne : une
tradition séculaire, n° 13, juin 1989. Editions Skol Vrelzh Le papier du
moulin à l'usine. L. Figuier, Editions du Roc de Bourzac
- Les métiers du livre. Encyclopédie Diderot
et d'Alembert. P.M Grinevald , C. Paput. Bibliothèque de
l'image
Articles divers :
- Couze, la vallée du papier. 1. de
Montvert Chaussy, Alios magazine, oct-déc 1991 - Dossier. Moulins de
Couze, vos papiers. D. Lavigne, le Journal du Périgord, n° 8, mars
1991
- Le papier et les moulins
G.Mouillac, Plaquette du Salon des Collectionneurs 1995 à Bergerac - Documents
de la SAPPAC
- Journal
Sud-Ouest
LA PAPETERIE DE
VAUX - MALHERBEAUX
Située en Dordogne septentrionale, aux
confins du Limousin, dans la vallée de l'Auvézère, près de Payzac, la papeterie
de Vaux-Malherbeaux est crée en 1861
sur l'emplacement de deux anciennes forges.
A Malherbeaux est fabriquée la pâte à
papier à partir de paille, laquelle est transformée en papier à Vaux.
Après des périodes d'essor, de
difficultés et d'adaptation, la papeterie cesse toute activité en 1968.
Le site de Vaux, témoin de l'ère
industrielle du siècle dernier, est en cours de valorisation.
Dans un excellent article paru en 1994 dans le
bulletin de la SHAP, Francis A. Boddart expose le résultat de ses recherches sur
la papeterie de Vaux-Malherbeaux.
UNE PAPETERIE SUR L'EMPLACEMENT DE DEUX ANCIENNES FORGES Deux sites métallurgigues : Malherbeaux et Vaux
La forge de Malherbeaux
La forge de Malherbeaux, édifiée sur le
cours de l'Auvézère dans la paroisse de Payzac, est mentionnée au XVIème
siècle. Ancienne dépendance de l'abbaye de Saint-Martial de Limoges, elle
devient la propriété des Combescot au XVIlème siècle. Cette forge avec
haut-fourneau rivalise d'importance avec celle de Savignac et de Miremont.
A l'aube de la Révolution française, elles approvisionnent avec Payzac, la
manufacture d'armes de Tulle.
La forge de Vaux
La forge de Vaux, de taille plus modeste, est située à quelques centaines de mètres de Malherbeaux, sur le ruisseau des Belles Dames, affluent de l'Auvézère. Installée sans doute dès le XVllème siècle, c'est une affinerie appelée aussi "forge à fer
Des familles de maîtres de forges
En 1806, les deux forges de Vaux et de Malherbeaux sont aux mains de Jean Combescot, prêtre de la paroisse d'Excideuil et maître de forge... En janvier 1818, les deux forges déclarées "en mauvais état" sont cédées à Bernard Bon, qui transmet à son tour l'exploitation des deux forges à son fils aîné. En 1839, la forge de Malherbeaux est affermée à Hippolyte Bon qui reçoit en 1841 la propriété de la forge de Vaux.
Une reconversion dictée par la conjoncture
économique.
Le déclin des forges
traditionnelles
Au milieu du
XIXème siècle, la plupart des forges du Périgord sont dans une situation
difficile. C'est le cas de la forge de Malherbeaux dont la production
diminue faute de débouchés suffisants. Le traité de libre-échange signé
entre la France et l'Angleterre en 1860 porte un coup mortel aux maîtres de
forges périgourdins. Ils ne peuvent pas lutter face à la concurrence des
installations métallurgiques britanniques plus productives, offrant des fers à
moindre coût.
Des conditions favorables pour le papier de paille
A la même période, les fabriques de papier de paille sont au contraire, en pleine expansion. La paille de seigle offre une matière première avantageuse, le seigle, céréale des terres acides et pauvres est cultivé abondamment dans cette région du Périgord - Limousin sur les sois granitiques. Il présente une paille de grande longueur, riche en cellulose. Les fabriques de papier de paille tendent à supplanter les fabriques de papier-chiffon, dont la matière première est devenue trop chère.
La création de la papeterie de Vaux-Malherbeaux
En 1861, Camille Bon, héritier d'une puissante famille de maîtres de forges d'Excideuil, frère cadet d'Hippolyte Bon, fait une demande de conversion de la forge à fer de Vaux, en usine propre à la fabrication de papier de paille. En 1863, une société est crée dont l'objet est : "le commerce des papiers de paille et des fers fabriqués dans les usines de Vaux et Malherbeaux". Camille Bon apporte l'usine à papier de paille de Vaux ; Alfred Dumas de Lavareille, la forge de Malherbeaux pour la fabrication des fontes et des fers ; Julien Anglard, des fonds ruraux et 25 000 francs en marchandises. L'usine est réglementée par arrêté préfectoral du 3 mars 1863.
La papeterie en proie à des difficultés
Des inondations à l'origine de dégâts très importants
Le 14 octobre 1876, la papeterie de Vaux doit cesser toute activité à la suite d'importantes inondations. "La digue de l'étang a été emportée ainsi que la papeteries De même, "l'usine de Malherbeaux est en partie détruite, matériel compris".
Deux sites complémentaires pour la fabrication du papier de paille
En 1878, la société "Bon, Anglard et compagnie" est dissoute, Camille Bon se porte acquéreur pour 25.000 francs de la totalité de l'actif de la société. Un de ses fils, Félix, acquiert les droits sur Vaux et Malherbeaux. Dans le contrat, on peut lire : "L'usine à papier paille forme deux exploitations séparées et reliées entre elles par une route, d'un parcours de quinze cent mètres environ... l'exploitation de Vaux située sur le ruisseau d'Anglard sert à la conversion des pâtes en papier jaune... , et celle de Malherbeaux, est destinée à la macération et à la trituration des pailles qui y sont réduites en pâte...".
Après une dégradation de la situation financière de Félix Bon, celui-ci doit déposer son bilan le 23 février 1893. La papeterie est rachetée le 9 août 1893 par Paul Martial Dieuaide et Jean Ragot qui créent la société "Dieuaide et Cie".
LA PAPETERIE "DIEUAIDE ET Cie" (1893 -
1919)
La remise en état de
fonctionnement de la papeterie
Paul-Martial Dieuaide est un homme d'affaires qui
entretient d'étroites relations avec la plupart des fabricants de papier de
paille de la région. Jean Ragot est issu d'une famille de papetiers de
Saint-Léonard-de-Noblat dans la Haute-Vienne. Les nouveaux propriétaires
remettent l'usine de Vaux en état avec des capitaux empruntés. Les travaux
d'aménagements qui "ont pour effet de relever le plan d'eau de 0, 10 m à
0, 15 m" suscitent l'opposition de plusieurs riverains.
Après une enquête administrative, l'usine de Vaux est réglementée par arrêté du 6 juin 1896. "L'usine de Vaux est pourvue, d'un déversoir de 12,3 mètres, constitué en une maçonnerie de pierre schisteuse bâtie sur le rocher.... d'une vanne de décharge conduisant l'eau à deux roues à augets qui font mouvoir les machines à papier de paille de seigle".
L'activité papetière au début du XXème
siècle.
Les matières
premières
La paille provient en
grande partie de la région de Lanouaille. Les achats de paille sont
croissants jusqu'à la veille de la première guerre mondiale (540 tonnes par an
en moyenne en 1898/1899 à 730 tonnes en 1910/1911) - La fabrication du papier
paille nécessite aussi de la chaux qui sert à activer la macération de la paille
(17,5% du tonnage de paille) et du charbon (7 % du tonnage de paille)
-
Evolution de la production
La production du papier paille est devenue une spécialité limousine. La production annuelle est de l'ordre de 50 millions de tonnes au début du siècle. En 1896, la papeterie de Vaux-Malherbeaux fabrique près de 350 tonnes de papier, 500 tonnes en 1913. La production est perturbée par la première guerre mondiale. Le jeune Léon Ragot est mobilisé. L'activité est arrêtée de mars 1915 à septembre 1915. Après une légère reprise, la papeterie est à nouveau fermée en 1917. La production reprend après le retour de Léon Ragot en janvier 1919
Des débouchés dans le domaine alimentaire
Le principal débouché du papier paille est celui des bouchers. Il restera essentiellement papier d'emballage et de cartonnage. La Société Générale des Papeteries du Limousin fait référence au décret du 28 juin 1912 dans ses publicités pour le papier de paille "Epi d'or". On peut lire : "L'hygiène la plus élémentaire exige l'emploi du papier paille. Le décret du 28 juin 1912 interdit de placer en contact direct des papiers usagers manuscrits ou imprimés en noir ou en couleur, les denrées alimentaires humides ou grasses. Qu'il s'agisse de volailles, viandes, poissons, beurre, graisses, légumes et fruits frais, l'emploi du papier paille est nettement et formellement indiqué. Il y a donc lieu de proscrire rigoureusement l'utilisation des papiers souillés, parce que ces papiers sont extrêmement dangereux pour la santé publique... Propreté, légèreté de manipulation (il ne pèse que 90 grammes ou 75 grammes au mètre carré), il ne multiplie pas le poids des provisions...".
LA PAPETERIE RAGOT (1 919 - 1968)
A son retour d'Allemagne en 1919, Léon Ragot prend la succession de son père et rachète pour un montant de 48 000 francs, les parts de Paul-Martial Dieuaide.
"L'âge d'or" de la papeterie dans
les années vingt
Prospérité et
diversification des débouchés
Entre 1921 et 1927, le chiffre d'affaires de la
papeterie triple. Les départements de la Haute-Vienne et de la région
parisienne, absorbent l'essentiel de la production, puis après l'effondrement
des commandes parisiennes, les débouchés sont plus diversifiés après 1925 (30
clients pour 75 livraisons en 1921, 60 clients pour 171 livraisons en
1927). A la clientèle des grossistes, s'ajoute celle des
détaillants.
Forte augmentation du prix du papier
Le prix moyen de vente du papier paille passe de 0,80 franc en 1921 à 1,30 franc en 1927 par kilo, soit une augmentation de près de 70%.
La guerre et la reprise de la production après la libération
Durant la seconde guerre mondiale, l'activité de la papeterie est fortement perturbée. Durant deux ans, les machines sont totalement arrêtées. Après la Libération, mais pour une courte période, la production reprend rapidement dans un contexte économique favorable. Les savonneries de Marseille et les territoires d'Outre-mer représentent les principaux débouchés.
La vie dans l'entreprise : un témoignage
Francis A. Boddart, dans l'article déjà cité rapporte l'interview d'André Marsalaud qui a travaillé dans la papeterie de 1939 jusqu'à la fermeture en 1968. Entré à l'âge de 25 ans, le témoignage de cet ancien contremaître sur la vie au sein de l'entreprise, est particulièrement précieux.
La fabrication
"On commençait par faire venir la paille à Malherbeaux. C'était de la paille de seigle, d'avoine, de blé, qu'importe du moment que ce soit de la paille. Il fallait que la fibre puisse tenir. La paille était mise dans un grenier. Deux hache-paille coupaient cette paille à une longueur de cinq centimètres La paille était amenée par des trappes dans une cuve.
Quand la cuve était bien pleine, on l'arrosait avec du lait de chaux vive qui venait de Terrasson. La paille était mise à macérer quatre ou cinq jours dans des fosses selon le besoin. A la sortie, la paille était "sèche". On la passait sous les meules. La paille n'était pas broyée. Elle était compressée, épluchée, écrasée. Cette pâte était ensuite transportée dans des tombereaux, qui faisaient bien six m3, et qui étaient tirés par des boeufs de race Salers, à l'usine de Vaux.
La pâte était mise dans un cuvier, bien délayée, avec plus d'eau que de pâte. Une pompe la remontait dans deux raffineurs. La pâte était ensuite brassée dans une autre cuve, passait par des épurateurs et ensuite en machine. Elle y était pressée à bloc. Après, le papier était séché".
Les hommes
"On était environ vingt-cinq. Mais on ne Se mélangeait pas entre Vaux et Malherbeaux. Il y avait onze ouvriers en bas (Malherbeaux). Quatre ou cinq au grenier, quatre pour les roues, deux charretiers, un qui montait la pâte et puis un menuisier.
A Vaux, nous étions cinq ou six en principe. Un au cylindre, un à la machine, un à la chaudière et deux emballeurs. Sept ou huit femmes travaillaient à la papeterie... pour le pliage. Beaucoup d'ouvriers ne faisaient qu'une saison".
Le salaire
"Cela ne payait pas. Les ouvriers ne gagnaient que 13 francs. J'ai commencé à 10 francs (en 1939). A l'usine, je touchais 18 francs, 5 francs de plus que les autres parce que j'avais des responsabilités" (en 1941).
Les conditions de travail
"On travaillait aussi bien le dimanche que la semaine. On faisait douze heures par jour. En usine, en haut, on était quatre pour 24 heures. Alors on faisait 12-12. Pendant quinze jours, on se couchait à minuit, et pendant quinze jours on se levait à minuit. En fait pour embaucher à minuit, il fallait qu'on se lève à onze heures. C'était fatigant.
En 1968, on ne travaillait plus la nuit, sauf à Malherbeaux, ou on faisait les 3 X 8. mais il y avait une bonne ambiance de travail".
Le déclin et la fermeture en 1968
Après les années de prospérité de l'après-guerre, une crise durable s'abat sur la papeterie de Vaux-Malherbeaux qui conduira à sa fermeture en 1968. La matière première vient à manquer. La région ne produit plus suffisamment de paille. Il faut la faire venir de l'Indre, de la Charente, de la Marne en 1956... la paille est de plus en plus remplacée par le vieux papier. Le marché traditionnel du papier paille s'effondre. De nouveaux papiers apparaissent sur le marché de l'emballage des produits alimentaires. Dans les années 50, beaucoup de petites entreprises doivent fermer définitivement.
La fabrique de Vaux développe la production du papier pour sac d'emballage, et dans les années 60 jusqu'à sa fermeture en 1968, elle produit essentiellement du carton à partir de papier recyclé destiné aux cartonnages ondulés / caisses.
UN SITE D'ARCHEOLOGIE INDUSTRIELLE A REHABILITER
L'ancien site de production de pâte à papier à Malherbeaux a été détruit par ses nouveaux propriétaires en 1993. Une construction moderne englobe d'anciennes structures de la forge-papeterie dans le décorum. La papeterie de Vaux, cédée par madame Ragot à la commune de Payzac, fait l'objet d'un projet de réhabilitation. Les bâtiments conservent une chaîne de fabrication du papier, montée vers 1865, dans des ateliers d'Angoulême. Les abords immédiats du site ont été dégagés au début de l'année 1995 par les "Chantiers du petit patrimoine périgourdin"' ou C 3P.
Un projet d'action culturelle autour du papier est actuellement à l'étude. La région de Payzac joue la carte de l'archéologie industrielle (papeterie de Vaux, forge de Savignac-Lédrier) et de l'architecture rurale traditionnelle (granges ovalaires). Ce sont d'indéniables attraits touristiques pour cette région du Périgord aux frontières du Limousin.
Bibliographie :
- La papeterie de Vaux-Malherbeaux.
Article de Francis A. Boddart paru dans le bulletin de la Société Historique
et
Archéologique du Périgord, T.
CXXI, 1994
- Notes concernant la
papeterie de Vaux à Payzac - Rapport de 0. Peaucelle, octobre 1987
- Payrac, Histoire, histoires. P.
Thibaud, Editions Copédit
-
L'Auvézère et la Loue. P. Thibaud, Editions Fanlac
- Papier, papeteries, papetiers. Une mémoire
pour des perspectives. A.I.C.A.R.P.A
De multiples vestiges de forges, localisés
pour la plupart dans le nord du Périgord,
témoignent d'une importante activité métallurgique
ancienne.
Depuis des temps
séculaires, le minerai de fer local et les forêts fournissant le charbon de
bois, alimentent les forges.
Installées sur les rivières, elles utilisent la
force hydraulique pour animer soufflets, marteaux et martinets.
A la fin du XVIllème siècle, dans une cinquantaine
d'établissements, on coule de la fonte, on affine le fer, on fond des canons, ou
encore de la "poêlerie".
Les fers
du Périgord sont alors réputés.
Mais au XIXème siècle, surtout après 1820,
les forges cessent leur activité les unes
après les autres.
Les maîtres de
forges périgourdins ne peuvent affronter la concurrence des grandes usines qui
utilisent la houille et des méthodes modernes de production.
Seuls quelques uns d'entre eux retardent l'échéance
en entreprenant des améliorations techniques.
Le dernier haut-fourneau, celui de
Savignac-Lédrier, s'éteint définitivement en 1930.
LES CONDITIONS FAVORABLES A L'INDUSTRIE SIDERURGIQUE
Les archéologues industriels recensent quelques 163 sites sidérurgiques en Périgord, massés pour l'essentiel dans les bassins du Bandiat, de l'Auvézère et de l'Isle. Il subsiste aujourd'hui peu de choses de ces lieux où l'on travaillait jadis le fer ; le plus souvent quelques ruines, l'aménagement d'un coursier et ici et là, des monticules de "laitier", résidus des coulées de fonte d'autrefois.
Tout un ensemble de conditions naturelles économiques et sociales ont favorisé le développement de micro-industries du fer, aux rythmes saisonniers de production, liés à la fois aux régimes des eaux fournissant l'énergie motrice, à l'approvisionnement en minerai et combustible, ainsi qu'à la main d'oeuvre mi-salariée, mi-paysanne employée au travail du fer.
La présence des matières premières en quantité abondantes
On obtient la fonte en introduisant dans un haut fourneau le minerai de fer mélangé à de la castine (pierre calcaire utilisée comme "fondant" dans la réduction du minerai), ainsi qu'un combustible : le charbon de bois issu de la carbonisation du bois. Toutes ces matières premières sont abondantes en Périgord.
Le minerai de fer
Le minerai de fer périgourdin est de bonne qualité (il n'est pas phosphoreux comme la minette de Lorraine) et de forte teneur (de l'ordre de 35 %). Mais son abondance ne doit pas faire oublier sa grande dispersion en une multitude de petits puits.
En 1825, dans les "Annales agricoles du Périgord", M. Gardien ingénieur des Mines et des Usines mentionne la présence de minerai de fer dans plus de soixante communes du département de la Dordogne. On le trouve soit en fragments isolés à la surface du sol, ou en veines, amas et rognons à une profondeur variant de 1 à 50 mètres dans une alluvion argileuse qui recouvre les calcaires secondaires dans le voisinage des terrains anciens
Dans le premier cas, le minerai est ramassé après les labours, le plus souvent par les personnes âgées et les enfants, puis transporté jusqu'aux forges à dos d'ânes. Dans le second cas, l'extraction du minerai nécessite le creusement de tranchées, de puits et de galeries. Les "tireurs de mine" sont des journaliers travaillant pour le compte d'un "entrepreneur" qui les paie souvent en nature et leur fournit le matériel nécessaire : un treuil, le pic. Les galeries creusées sont rarement boisées et les risques d'éboulement sont redoutés. Le minerai est fréquemment cassé puis lavé à proximité de la forge.
Monsieur R. Pijassou dans un mémoire sur "l'ancienne industrie du fer du Nontronnais" cite quelques statistiques : "les petits exploitants des mines du nontronnais peuvent extraire chaque année 450 à 690 tonnes de minerai, mais les minières du Bandiat peuvent fournir 3 200 tonnes par an (avec un maximum au XVlllème siècle)... En 1750-1760, le minerai revient de 10 à 12 livres la tonne aux propriétaires des hauts fourneaux (les transports représentent la moitié du prix de revient)..."
Le charbon de bois, combustible du haut-fourneau
La Dordogne est riche en espaces
boisés. Au XIXème siècle, lis couvrent le tiers de la surface (43 %
aujourd'hui), soit alors le double de la proportion moyenne nationale.
Activement exploitée, la forêt voit cohabiter ou se succéder selon les saisons :
bûcherons, feuillardiers, fendeurs de merrains, scieurs de long, voituriers,
charbonniers... Les forges sont consommatrices boulimiques en charbon de bois,
combustible indispensable à la fusion du minerai, avant l'utilisation du coke.
Pour produire 1 tonne de fer, 6 tonnes de charbon de bois sont nécessaires (2,5
pour transformer le minerai en fonte et 3,5 pour transformer la fonte en fer ).
Les maîtres de forge sont pour la plupart à la tête d'un patrimoine forestier
leur assurant ainsi d'importantes coupes de bois dans les taillis de chêne et de
châtaignier (une coupe tous les 10 ou 15 ans). Un large approvisionnement
extérieur est souvent indispensable, mais pas toujours facile à trouver.
Monsieur Bon qui dirige la forge de Miremont en 1795, traduit la pénurie de bois : "la durée de nos fondages pourrait être de six à sept mois, mais elle est réduite à trois à défauts d'approvisionnements en charbon. Il existe dans notre district vingt-six forges ou aciéries et treize fourneaux et il est facile de démontrer que dix sont plus que suffisants pour consommer tout le bois bon à exploiter tous les ans..." Trouver du charbon en quantité suffisante et au meilleur prix, est donc une préoccupation permanente pour tous les maîtres de forge.
La force motrice : un réseau hydrographique dense
Le département de la Dordogne dispose d'un réseau hydrographique dense. Les cours d'eau Importants (Dordogne, Isle, Dronne) et leurs principaux affluents (Vézère, Auvézère, Loue... ) naissent sur les hauteurs cristallines du Massif Central où lis sont bien alimentés en eau.
Le Périgord Vert, aux terrains cristallins, situé au nord, nord-est de la Dordogne, est la région la plus arrosée avec un total pluviomiétrique supérieur à 1000 mm et est parcourue par de nombreux cours d'eau au fond de vallées étroites et encaissées. De nombreuses forges se sont installées près de ces cours d'eau afin d'utiliser la force motrice de l'eau. L'apparition de la force hydraulique et son utilisation systématique dans les opérations de traitement du fer, ont favorisé la multiplication de petits centres sidérurgiques dans les vallées, à partir des XVème et XVIème siècles. L'énergie hydraulique sert à actionner : le patouillet (pour le lavage du minerai), la soufflerie (pour le haut fourneau), le martinet (pour battre le loupe de fer, afin de lui donner une consistance homogène), mais aussi la fenderie, le laminoir, la machine à aléser les canons... dépendent de l'énergie hydraulique.
Avant l'apparition de la roue Pelton ou turbine hydraulique, on utilise deux types de roues hydrauliques dans les forges :
- la roue à aubes : elle est installée sur les cours d'eau à faible pente, ne disposant que de faibles chutes. Relativement lente, on l'emploie surtout pour obtenir une puissance importante sans que la vitesse importe : pour la préparation des minerais avec le boccard et le patouillet, ou encore pour actionner les soufflets des hauts fourneaux. Les plus puissantes peuvent entraîner les cylindres des laminoirs et des fenderies.
- la roue à augets : plus rapide que la roue à aubes, elle est installée lorsqu'il est possible de réaliser une chute de plusieurs mètres. L'eau est amenée au dessus de la roue par un coursier en bois. C'est le seul poids de l'eau remplissant les augets qui fait tourner la roue. C'est le système idéal pour les martinets.
Le nombre de roues peut être variable selon les établissements. Les forges qui ne réalisent que l'affinage de la fonte, ne peuvent avoir que deux roues : l'une pour les soufflets, l'autre pour le martinet. Les forges qui regroupent à la fois la préparation des minerais, les hauts fourneaux, la forge et la fenderie, peuvent avoir un grand nombre de roues. Mais rien de tel en Périgord...
Le maître de forge doit constamment veiller au bon aménagement hydraulique de sa forge. Les crues, les étiages entravent le bon fonctionnement de la forge et imposent la construction d'un barrage ou d'une digue de retenue en amont de l'usine. Mais la grande irrégularité du débit des cours d'eau soumet la forge à une activité de quelques mois dans l'année (d'octobre à avril pour la forge de Savignac-Lédrier par exemple)
Une main d'oeuvre rurale importante et peu coûteuse
Tout un groupe d'ouvriers hétérogène travaille dans la forge ou gravite autour d'elle A côté des ouvriers qualifiés, on trouve la main d'oeuvre non qualifiée des ouvriers-paysans qui concourent plus ou moins directement à la production, à l'entretien, au transport et vivent non loin de la forge, parfois même sur le domaine foncier du maître de forge et dont l'activité reste fondamentalement liée à l'agriculture et à l'élevage. Ces paysans abandonnent leurs terres le temps de la campagne d'activité de la forge et se trouvent ainsi un supplément de revenu en travaillant à la forge pendant la période de l'année où l'eau est abondante et les travaux des champs peu importants (fin de l'automne, hiver et début du printemps). Certains ouvriers qualifiés n'hésitent pas à se déplacer de loin, dans la mesure où on leur assure un bon salaire pour les ouvriers des fourneaux ou un bon prix "à façon" pour les mouleurs et forgerons.
Si les salaires sont dans l'ensemble assez élevés pour les ouvriers qualifiés, surtout dans les grands établissements, ceux des ouvriers-paysans sans qualification sont en revanche modestes. Les campagnes d'activité de la forge sont variables, de l'ordre de cinq mois en moyenne et sont tributaires des quantités de matières premières et de combustible disponibles, des problèmes techniques, de l'étiage des cours d'eau, des commandes, des problèmes financiers...
Des débouchés importants surtout à partir du XVlllème siècle
Les débouchés sont nombreux et variés pour les forges du Périgord, surtout à partir du XVIllème siècle. Les fers du Périgord ont une réputation de qualité et sont recherchés. En 1618, un prévost du roi reconnaît : "Seuls les fers du Périgord savent rivaliser avec les fers suédois pour leur endurance et leurs qualités..."
La production très diversifiée, répond à une demande sans cesse croissante en fonte et en fer. La plupart des forges alimentent un marché local ou régional encore étroit mais qui s'élargit au XVIllème siècle.
Elles fabriquent des pots, marmites, plaques de cheminée, chenets, fers en barre, instruments pour l'agriculture, outils de toute sorte...
Le développement du commerce atlantique et l'essor des ports de Bordeaux, la Rochelle, Rochefort... provoquent une demande accrue d'ancres de marine, de bittes etc... Des chaudières à sucre, étuves, cylindres pour moulins à sucre, outils de défrichement sont exportés vers les Amériques, les Antilles, à partir du port de Bordeaux.
Quelques forges produisent du matériel d'armement, surtout des canons. Dès le XVllème siècle, s'impose progressivement, le "canon de fonte et de fer" apprécié pour son moindre recul et qui, remplace le canon de bronze. Les forges d'Ans, des Farges (près de Rouffignac), de Forge-Neuve... livrent des canons à l'arsenal de Rochefort crée par Colbert en 1666. Ces livraisons complètent celles des forges de l'Angoumois (Fonderie de Ruelle, la Mothe... ). Ainsi en 1751, les forges d'Ans et des Farges obtiennent la commande de 440 canons pour armer les vaisseaux de la "Royale" et devant être fournis en quatre ans. Dans un article paru dans Sud-Ouest, D. Richard constate : " la fonte à canon made in Périgord, va faire le tour du monde sur les bricks de la Royale. Les "va-t-en guerre" de Versailles et le petit caporal de Corse seront d'ailleurs les meilleurs alliés des maîtres de forges de la Dordogne. La soif de conquête des uns, liée au "faites-le vous même" caractéristique des sociétés d'autosubsistance gage le maintien d'une activité importante en plein XlXème siècle".
Les moyens de transport
L'activité sidérurgique en Périgord souffre d'une déficience des communications C'est un lourd handicap pour les maîtres de forge, tant pour l'approvisionnement en matières premières que pour la commercialisation des produits métallurgiques. Avant l'amélioration du réseau routier et l'apparition du chemin de fer au milieu du XlXème siècle, la vole d'eau est largement utilisée pour le transport. Les produits métallurgiques sont acheminés vers les ports de l'Isle, de la Vézère, de la Dordogne, puis chargés sur les gabarres. Ainsi les canons fabriqués de la forge des Farges descendent la Vézère, puis la Dordogne pour rejoindre Libourne et Bordeaux puis l'arsenal de Rochefort Dans le Nontronnais, les produits fabriqués sont "voiturés" sur des charrettes tirées par des boeufs jusqu'à Angoulême, puis par bateau vers Rochefort.
LE PERIGORD : UNE TRADITION METALLURGIQUE ANCIENNE
Des débuts au XVème siècle : le procédé direct
Le Périgord est une région d'ancienne tradition métallurgiste. Dès le Illème millénaire av. J.C, le cuivre est utilisé, mais seulement sous forme de parures et de petits outils, alors que le silex est encore taillé couramment. Au chalcolithique (2000 à 1800 av. J.C) apparaissent les premiers poignards et haches en cuivre. La matière première est importée car il n'y a ni mines de cuivre, ni étain dans la région. Les outils sont désormais fondus, preuve de la maîtrise des techniques de fonte avec des moules. D'importants ustensiles ont été retrouvés en Périgord datant de l'âge du bronze (1800 - 750 av. J.C).
Au Ville siècle, apparaissent les premiers objets en fer (petites épingles, pointes de flèches) et une véritable métallurgie du fer s'installe au 2ème âge du fer (450 - 50 av. J.C). Le peuple gaulois qui habite le Périgord : les Pétrucores maîtrisent le travail du fer. M. Barrère, M. de Verneilh et le comte de Taillefer signalent la présence de nombreux vestiges archéologiques, situés le plus souvent sur les plateaux aux endroits riches en minerai de fer.
L'écrivain grec Strabon dans sa "géographie" et Jules César dans la "guerre des Gaules" vantent la richesse et la qualité du minerai de fer sur le territoire des Pétrucores. Jusqu'au XVème siècle, on élabore le fer selon le procédé direct. Il consiste à empiler en couches successives charbon de bois et minerai de fer dans un bas fourneau ne dépassant pas deux mètres de hauteur, construit en argile réfractaire. Le tirage qu'il soit naturel ou artificiel ne permet pas d'atteindre le point de fusion du métal. Le fer demeure à l'état pâteux, c'est la loupe qu'on épure ensuite par martelage exécuté au marteau à bras par les forgerons, afin de le débarrasser de ses scories. Cette technique permet d'obtenir en une seule opération du fer assez pur, peu chargé en carbone, mais en très petite quantité. A partir du Xllème siècle, apparaît en Europe le marteau hydraulique ou martinet, puis les soufflets mus, eux aussi, par la force de l'eau.
Le haut fourneau et le procédé indirect à partir du XVème siècle
A partir du XVème siècle, s'impose la fabrication du fer en deux temps, c'est le procédé indirect ou en deux temps, par l'intermédiaire d'un nouveau métal fusible : la fonte. Ce procédé connu de longue date en Chine (IVème siècle av. J.C ?), nécessite une température plus élevée dépassant celle de la fusion du fer (1 536°C). Un haut fourneau (plus de cinq mètres de hauteur) alimenté en air par des souffleries plus puissantes mues par une roue hydraulique, remplace le bas fourneau. Les scories obtenues sont plus pauvres en fer, on rencontre surtout des laitiers, verres colorés provenant de la fusion d'éléments siliceux. On obtient un métal homogène, la fonte, produite en grande quantité contenant un pourcentage de carbone supérieur à 1,7, se prêtant à des travaux de moulage semblable au bronze, mais cassant et Impropre au travail à la forge. Pour obtenir du fer ou de l'acier il faut l'affiner. Cette opération consiste à décarburer la fonte à l'aide d'un martinet. Après l'avoir chauffée, la masse spongieuse est battue. Plusieurs méthodes traditionnelles d'affinage ont été utilisées avant l'adoption du puddlage. Celle-ci consiste à élever la température de la fonte dans un four à réverbère où le foyer est séparé du métal. Pour accélérer l'oxydation, un ouvrier, le puddler, brasse énergiquement la fonte à l'état pâteux avec une barre de fer, un ringard.
Le Périgord n'a pas connu les procédés qui ont permis au XlXème siècle la production massive d'acier comme le procédé Bessemer en 1860 ou le procédé Thomas en 1877.
Le temps de la prospérité (XVIème début XlXème siècle)
A partir de la fin du XVème siècle, les "moulins à fer" deviennent plus nombreux, les marteaux et les soufflets plus puissants.
En 1543, François 1er constate que le nombre de forges est en augmentation constante : "Il y a en ce royaume plus de 460 forges ; il y en a plus de 400 érigées depuis cinquante ans ; par chaque an, il s'en érige 25 ou 30" .
Le Périgord favorisé par la présence du
minerai de fer, l'abondance des forêts et
des cours d'eau, participe à cet élan
économique. E. Peyronnet dans son ouvrage sur "les anciennes forges du
Périgord ", cite de nombreux actes de ventes, attestant l'essor de la production
des forges à cette époque :
" En 1558, François de la Bleynie, qualifié seigneur de la forge des Eyzies, vend à Bernard le jeune, marchand à Bordeaux :
- 150 quintaux de fer provenant de la forge de "Bugues"
- 20 quintaux de "patrone de tuyaults d'arquebouzes"
- 100 quintaux demy-plats de 3 doigts de large et le restant commun, pour le prix de 50 sols tournois le quintal
- 5 douzaines de toupines de fer
- 1 douzaine et "trous pots d'une grande
feuille la pièce et un contrefeu" le tout à rendre à Bergerac" .
Le nombre de forges en activité culmine vers la fin du XVllème siècle avec 88 établissements au total. Le contexte politique et économique est favorable au développement des forges. L'agriculture a besoin d'outils et le roi doit fournir des canons et des munitions à son artillerie et à sa marine. Ainsi Henri IV favorise-t-il l'activité métallurgique tout comme Richelieu, qui développe la marine de guerre et protège les fers français contre les fers étrangers. La noblesse provinciale trouve dans la métallurgie une nouvelle source de profit. E. Peyronnet déjà cité écrit : "Les seigneurs fonciers du Périgord se firent les promoteurs du progrès en établissant des forges sur leurs terres. C'était d'ailleurs la meilleure façon d'utiliser leurs bois, quels ne pouvaient vendre et d'en tirer un fructueux parti".
Colbert organise dans plusieurs régions dont le Périgord, la fabrication de canons "en fonte et en fer" qui remplacent les canons en bronze trop coûteux et dont la matière première place la France sous la dépendance de l'étranger. La production est réglementée par l'Etat qui envoie en mission en Périgord dans les années 1680 et 1690, Landouillet de Logivières, directeur général des Fonderies royales de la marine à Rochefort et Ernaud d'Eliçagaray, Inspecteur, dans le but de rechercher des maîtres de forges aptes à "fondre pour le Roy" et de contrôler les opérations de fondage. Y. Lamy estime à 10 % environ, les forges du Périgord qui fabriquent à la fin du XVllème siècle des canons et des boulets en fonte de fer" .
Au XVIllème siècle, l'activité des forges demeure soutenue avec le développement du commerce atlantique et les besoins de l'artillerie nécessités par les guerres. Vers le milieu du siècle, on assiste à une certaine concentration d'établissements. Le marquis de Montalembert groupe la forge de Ruelle et quelques forges du Nontronnais. Il fait construire deux hauts fourneaux à la forge de la chapelle Saint-Robert et à celle de Forge Neuve où un inventaire de 1755 atteste dans cette dernière, de la présence de 135 canons fondus sur place
Mais après les guerres de Louis XV, les commandes diminuent, les caisses de l'Etat sont vides, le commerce des fers diminue et les maîtres de forges s'inquiètent de la concurrence des fers d'Espagne et de Suède.
A la veille de la Révolution, R. Pijassou recense 65 forges en Périgord, mais seulement 50 en activité, 38 hauts fourneaux et le Nontronnais est alors une des premières région métallurgique de France (il possède 31 des 38 hauts fourneaux).
La forge de Jomelières sur la commune de Javerlhac fabrique 3 500 quintaux de fonte par an, en partie battue sur place et transformée en fer (750 quintaux) et emploie 104 ouvriers en 1789.
Pendant la Révolution et l'Empire, certaines forges augmentent leur production, d'autres sont remises en activité. L'enquête de 1810-1811 indique 69 forges ce qui place la Dordogne au 4ème rang des départements métallurgiques.
Le déclin des forges
Après le Premier Empire, les forges du Périgord montrent quelques signes de déclin dont les principales raisons sont :
- la concurrence des fers étrangers et ceux produits dans de grands établissements français, aux techniques de production moderne, mieux situés par rapport aux matières premières, près de la houille de plus en plus utilisée, au détriment du charbon de bois.
- la qualité des fers de la région
compense de moins en moins les inconvénients d'une production artisanale très
dispersée.
Dès 1822, Gardien, un ingénieur des Mines adresse un avertissement aux maîtres de forges pour leur Indiquer le danger dont lis sont menacés et les moyens de l'éviter :
"Les usines de fer de la Dordogne sont menacées d'une prompte décadence si leurs méthodes de travail ne subissent pas incessamment des modifications salutaires. De plus des usines sont en train de s'établir sur le modèle anglais en Lorraine, en Bourgogne, en Bretagne, et dans le Berry. En supposant que le gouvernement maintienne des droits excessifs sur les fers étrangers, les maîtres de forges du Périgord pourront-ils résister à la concurrence des fers français, fabriqués selon la méthode nouvelle... ?".
Certains maîtres de forges réagissent en se regroupant, essaient d'améliorer leurs techniques de production en introduisant des méthodes anglaises et de trouver de nouveaux marchés. Ainsi, aux Eyzies les fonderies et tréfileries sont reconstruites par les Festugière, père et fils, coulent 500 quintaux d'acier par jour produit selon les procédés modernes (utilisation de la houille... ) et emploient 200 ouvriers vers 1850. Quelques mines de houille sont exploitées à Saint-Lazare de Beauregard, au Lardin et à Cubjac.
En 1859, on compte encore 43 forges en Périgord pour 23 hauts fourneaux produisant 14 000 tonnes de fonte. Mais le traité de libre-échange franco-anglais en 1860 anéantit les efforts des Mètres de forges périgourdins. Que peuvent-ils faire, face aux puissantes entreprises d'outre-Manche et face aux concentrations métallurgiques de l'Est et du Nord de la France, munies de puissants moyens financiers et techniques, disposant d'importants gisements de fer et de houille et d'une bonne desserte ferroviaire ?
En 1868, le Comité des forges de la circonscription du Sud-Ouest : "constate avec un douloureux saisissement, que depuis le régime économique de 1860, partie des feux sont éteints dans les forges restées en activité, et que tout travail a absolument cessé..." dans 25 forges du Périgord.
Après 1870, les derniers hauts fourneaux
s'éteignent les uns après les autres. Le dernier, celui de Savignac-Lédrier sur
l'Auvézère produira de la fonte au bois jusqu'en 1930.
Bibliographie :
- Les anciennes forges du
Périgord. E. Peyronnet. Editions Delmas
- Hommes de fer on Périgord au XlXème siècle.
Y. Larny. Editions la Manufacture
- Forges en Périgord. M.L Lamy, Y. Lamy, M.
Secondat T.1. Editions PLB
-
L'ancienne industrie du fer du Nontronnais du XVllème à la fin du XIXème
siècle. D.E.S. R. Pijassou
-
La vie quotidienne en Périgord au temps de Jacquou le Croquant. G.
Fayolle. Editions Hachette
-
Encyclopédie Diderot. Fonderies, Forges ou l'art du fer.
lnterlivres
- Les travailleurs du
fer. J.Y Andrieux. Editions Découvertes Gallimard
- La grande forge. C. Sütterlin. Editions
d'Assailly
- Energies
d'autrefois. B. Dufournier T.1 Editions E.P.A
- Fonte et fer en Périgord. Catalogue
d'exposition, Y. Laborie. Ville de Bergerac 1993
- Forge-Neuve de Reillac M.L Lamy, article paru
dans les Vieilles Demeures en Périgord. Découverte 2, PLB édition
- Forge des Eyzies. M.
Secondat. SHAP, 1988
- Dossiers Histoire et Archéologie n° 107
juillet-août 1986
- Plaquette
pédagogique. Introduction à la Protohistoire en Périgord. C.
Chevillot. Parc archéologique de Beynac
- Articles divers dans Sud-Ouest et Périgord
Magazine
LA FORGE DE SAVIGNAC - LEDRIER
Le site sidérurgique de Savignac-Lédrier
représente un ensemble très intéressant d'archéologie industrielle, témoin d'une
industrie campagnarde aux rythmes saisonniers de production.
Le château des maîtres de forges surplombe et
surveille les installations industrielles
aujourd'hui endormies, construites au bord de la
rivière Auvézère.
Crée au début du
XVIème siècle, cette forge connaît son apogée au XIXème siècle et cesse toute
activité en 1975, 45 ans après l'extinction définitive de son haut
fourneau.
On peut s'interroger sur
la longévité exceptionnelle de cette forge devenue la propriété du département
en 1989, qui a entrepris la restauration des bâtiments et la réfection des
équipements hydrauliques et des machines.
Dans un ouvrage bien documenté : "Hommes de fer en
Périgord au XIXème siècle", Yvon Lamy apporte de précieuses informations sur la
forge de Savignac - Lédrier.
SITUATION ET APERCU HISTORIQUE
Sur les hautes terres limousines du nord-est du Périgord, dans la région de Payzac, rattachée en 1793 au département de la Dordogne, de nombreuses forges se sont installées dans les vallées encaissées des rivières et ruisseaux dévalant le plateau limousin. Elles ont connu entre le XVIème et le XIXème siècles, des moments de prospérité et d'éclipses. La forge de Savignac-Lédrier fait partie de ces micro-industries utilisant la force de l'eau et les richesses en bois et en minerai de fer de l'espace environnant, pour la production de fonte et de fer. Mais elle s'en distingue par une permanence d'activité peu commune et une prospérité tardive (2ème moitié du XIXème siècle), à une époque de crise profonde pour les maîtres de forges du Périgord.
Dans la vallée de l'Auvézère, en contre-bas du village de Savignac-Lédrier, l'établissement d'une forge est attesté en 1521. Pascal Dolce, le maître des lieux verse une redevance annuelle de 2 quintaux de fer à Alain d'Albret, vicomte de Limoges. La seigneurie de Savignac dépend alors de la châtellerie de Ségur appartenant au vicomte de Limoges. Le successeur de Pascal Dolce, Noël Souvelin, en mariant sa fille Marguerite à François Pasquet, marchand de la ville d'Excideuil, fait tomber durablement le château et la forge dans l'escarcelle de cette famille qui connaît de nombreuses ramifications. Les Pasquet s'allient aux Malet de la Jorie mais aussi aux Bonneval et aux Lubersac.
A la veille de la Révolution, le marquis Jean-Louis de Lubersac, maréchal des camps, seigneur de "Saint-Memy, Savignac et Lubersac" détient l'ensemble de la propriété. En 1788, la forge comprend : un haut fourneau, deux affineries, une platinerie et produit annuellement 10 000 quintaux de fonte et 4 500 quintaux de fer forgé.
Une enquête de 1811 signale la présence
d'un personnel réduit : 5 fondeurs, 6 forgerons et 5 manoeuvres. Elle ne
produit alors plus que 1350 quintaux de fonte en gueuses et 850 quintaux de fer
forgé. Quand le marquis de Lubersac émigre sous la Révolution, ses biens sont
confisqués et vendus. Le château et la forge sont alors achetés en 1796 par le
maître de forge Boisset - Mimaux qui l'afferme. Ce dernier vend à son tour
l'ensemble en 1819 à son fermier Louis Combescot.
LES COMBESCOT, MAITRES DE FORGES
Des membres de la famille Combescot sont maîtres de forges depuis le XVIlème siècle. On les trouve à Bord, Gandumas,. Malherbaux, Vaux, Anlhiac, Payzac, Fayolle... et bien sûr à Savignac-Lédrier.
Louis Combescot (1783 - 18451)
A la mort de son père Léonard en 1803, Louis Combescot se retrouve à la tête d'un patrimoine foncier d'environ 250 hectares autour de la forge de Bord.
En 1815, il épouse Marie Flavie Debrégeas - Laurénie à Excideuil. De leur union naquirent cinq enfants, trois garçons et deux filles.
Les alliances matrimoniales permettent de tisser de puissants liens d'intérêts, de préparer l'avenir de l'entreprise et d'étendre le patrimoine familial. Lorsque Louis Combescot acquiert en 1819 la forge et le château de Savignac - Lédrier et ses 75 hectares, son patrimoine s'élève désormais à 350 hectares, y compris deux forges et le château.
Jusqu'à sa mort en 1845, il s'efforce d'étendre à la fois, le patrimoine foncier et le patrimoine industriel, avec l'acquisition en 1834 de la forge de Payzac.
Difficultés et adaptation (1846 - 1864)
Après quelques années difficiles, marquées par la crise qui touche la métallurgie, le contexte des premières années du Second Empire est plus favorable et les affaires reprennent
Les deux frères Combescot, Prosper et Sylvain en profitent pour créer une société en commandite : "Combescot frères, Lachaud et Cie" qui unit commercialement six forges et hauts fourneaux de la vallée de l'Auvézère et de la vallée de la Loue.
Mais après trois années d'existence, cette société sera dissoute en 1856. A partir de 1857, Sylvain qui dirige désormais seul la forge de Savignac - Lédrier (son frère Prosper a la responsabilité de celle de Payzac) s'efforce d'affronter les problèmes économiques qui touchent les micro-industries du fer en Périgord, en réorganisant sa forge.
Après 1865 : l'association Sylvain Combescot - Arthur de Langlade
Face au danger de la concurrence et à l'essor de la grande entreprise utilisant le coke comme combustible, à Savignac - Lédrier on opte pour une association intrafamiliale de deux hommes aux savoir-faire complémentaires : le maître de forges Sylvain Combescot et son beau-frère : l'ingénieur Arthur de Langlade -
Au sein de la Société de Langlade-Combescot, Sylvain s'occupe de la gestion et du commerce, et l'ingénieur de la conception et de l'innovation.
De Langlade : un ingénieur
inventif
Il apporte à la forge de
nombreuses améliorations techniques :
- en 1865, un nouveau barrage est construit de 42
mètres de longueur et d'une hauteur de 3,5 mètres
- en 1870, le fourneau est relevé et on installe un système permettant de récupérer les gaz et de les laver
- deux fours à puddler sont construits, l'un en 1870, l'autre en 1873, utilisant les gaz lavés, récupérés comme combustible et permettant une production continue de fer puddlé.
- un four à souder est installé en 1872.
- en 1874, on branche le four à souder sur
les gaz du haut fourneau et une machine à vapeur est installée pour la
soufflerie en complément de la roue hydraulique.
Sylvain, maître de forges et notable
Sylvain profite de sa notoriété de maître de forges pour jouer un rôle politique sur le plan local et départemental. Nommé maire de la commune de Saint-Mesmin en 1865, il est élu conseiller général du canton d'Excideuil en 1868 et devient membre du "Comité des maîtres de forges de la circonscription du Sud-Ouest". Il prend une part active dans le développement des chemins de fer départementaux. A la tribune du Conseil Général, il dénonce les effets néfastes du libre-échange, responsables de l'effondrement des petites industries rurales. A la mort de Sylvain Combescot en 1890, son fils aîné Louis-Marc, Ingénieur des Arts et Manufactures lui succédera, à la forge de Savignac - Lédrier.
L'ESPACE TECHNIQUE DANS LA SECONDE MOITIE
DU XIXème SIECLE
Un espace
technique restructuré
L'espace
technique de la forge de Savignac-Lédrier a connu des modifications importantes
au XlXème siècle. Ces aménagements ne sont pas étrangers à la longévité
exceptionnelle de cette forge par rapport aux autres établissements
métallurgiques du département, disparus plus tôt.
La restructuration, entreprise pour l'essentiel dans la seconde moitié du XIXème siècle, a porté sur les moyens de production et sur l'espace du travail. Face à la crise vers 1860, les investissements visent à économiser le combustible dans la fabrication du fer. L'emploi de l'énergie thermique sera limité à Savignac, au marteau-pilon et à la soufflerie. Elle apparai7t comme un appoint à l'énergie hydraulique -
Les principaux éléments de l'espace technique à la fin du XIXème siècle
On distingue :
Le bocard
Il a été entièrement reconstruit en 1852. Il
sert à écraser, concasser, cribler et laver le minerai. Plus récemment, on
l'utilise aussi pour concasser le sous-produit de la fonte, le "laitier" pour
fabriquer des briques agglomérées appelées "bricots", utilisées comme matériau
de construction.
La halle à charbon
Reconstruite dans les années 1820 à son emplacement actuel, elle offre une capacité de stockage de 2 000 m3 environ.
Le haut fourneau
C'est l'élément essentiel de la forge qui commande toute l'activité de l'usine. Déplacé et reconstruit sur son emplacement actuel après 1826, il a été aménagé en 1870 afin de récupérer les gaz. Bâti sur un plan carré, il a 11 mètres de hauteur avec une capacité de 18 m3.
Le haut fourneau produit de la fonte à partir de matières fusibles (minerai de fer et castine), et d'un combustible, ici le charbon de bois. On accorde une importance toute particulière à la préparation des "lits de fusion", c'est-à-dire à la composition du mélange des minerais de fer de diverses provenances dans les charges, selon les fontes que l'on souhaite obtenir. Le haut fourneau fonctionne en continu et sa mise à feu, effectué par un enfant de la famille du maître de forges ou du voisinage proche, selon un rituel immuable marque le point de départ de la campagne de fonte très variable selon les forges et les années.
A Savignac-Lédrier, on effectue habituellement une coulée par 24 heures. Chaque coulée comporte entre 20 et 25 charges. Chaque charge se compose d'une certaine proportion de minerai de fer, de charbon et de castine. Si dans la charge, la quantité de charbon de bois ne varie pas (environ 100 kg), celle du minerai et de la castine est variable. Y. Lamy, déjà cité, donne l'exemple du fondage du mois d'octobre 1861 où on a consommé :
- 76 000 kilos de charbon de bois
-123 000 kilos de minerai de fer
- 42 750 kilos de castine
pour une production de 50.875 kilos de fonte. Les charges ont lieu, en principe, toutes les heures et quarante minutes (sauf incident "d'indigestion" du fourneau). Des équipes de jour et de nuit se relaient pour assurer la charge du gueulard, ce sont les "chargeurs" ; ou la surveillance du bon déroulement de la fusion et le remplissage du creuset, ce sont les "gardeurs".
La soufflerie
La soufflerie envoie l'air nécessaire à la combustion du minerai et du charbon dans le haut fourneau. En 1868, les soufflets pyramidaux en bois de noyer sont remplacés par des pistons métalliques permettant un débit plus important et un souffle plus régulier. Ces pistons sont toujours animés par une roue hydraulique (à aubes, haute de 6 mètres et large de 1,5 mètres). En 1874, on installe à Savignac, une soufflerie à vapeur permettant ainsi d'être moins dépendant de l'énergie hydraulique et de réduire le temps d'inactivité de la forge.
Le monte-charge hydraulique
Il permet de monter le minerai, le fondant et le combustible jusqu'au gueulard.
La halle de coulée
Le haut fourneau s'ouvre sur une halle de coulée de
16 mètres sur 16 mètres.
La "bédière"
La halle de coulée abrite la "bédière". C'est un
local de veille et de repos pour les ouvriers du fourneau qui travaillent,
répartis en équipes de jour et de nuit.
L'espace de la forge
Le développement des opérations d'affinage, à partir du XIXème siècle, s'accompagne d'une restructuration de l'espace de travail de la forge. Plusieurs fours sont installés :
- un four à réverbère
- deux fours à puddler, le premier en 1871 et le second en 1873
-un four à souder, construit en 1872
- un four à cémenter, conçu par de Langlade, est mis en place en 1904, pour répondre à des perspectives de marché de la fonderie de Ruelle en acier cémenté, qui préfère la sous-traitance à l'investissement. Ce four fonctionnera de 1904 à 1916.
L'utilisation du gaz du fourneau, grâce à un système de récupération, mis au point en 1870-1871 par I'ingénieur de Langlade, permet de produire des fers au bois de meilleure qualité, d'économiser tout le charbon de bois utilisé jadis pour l'affinage, et d'abaisser les coûts de production.
Un gazogène à la houille, monté en 1903 fournit le gaz aux fours, en dehors des campagnes de fondage. Les opérations de martelage et de laminage sont effectuées avec un matériel plus performant. Un marteau pilon à vapeur installé en 1862 remplace le vieux marteau à drome, deux laminoirs (un grand et un petit) et une batterie de deux martinets, mis en mouvement par une turbine hydraulique, complètent l'équipement de la forge.
Un atelier de tréfilerie est crée après 1895 pour la fabrication de clefs de conserves et plus tard de pointes de moulage. Enfin, en 1908, l'installation d'une deuxième turbine hydroélectrique permet d'alimenter en énergie la forge, le château, mais aussi le bourg de Savignac-Lédrier, qui fut l'un des premiers du département, à être électrifié.
LES PRODUCTIONS ET LES MARCHES
Y. Lamy, dans l'ouvrage déjà cité, mentionne un certain nombre de statistiques permettant d'apprécier les productions et les marchés de la forge de Savignac-Lédrier depuis le dernier tiers du XIXème siècle, jusqu'à l'extinction du haut fourneau en 1930.
Les productions
Les productions de fonte , de fer et de produits finis sont très irrégulières et dépendent des marchés, de la durée de la période de fondage et des choix de développement effectués au sein même de l'entreprise. A Savignac, on a toujours opté pour la production de fers au bois de qualité à la quantité.
La période 1871-1876 correspond à l'apogée de la production de fonte avec une moyenne annuelle de 680 tonnes, soit le cinquième de la production départementale. Les investissements importants engagés par le maître de forges et son associé, depuis 1865, expliquent en partie ces bons résultats. Durant cette période, la durée moyenne des campagnes de fondage est de dix mois, ce qui est exceptionnel dans la métallurgie au charbon de bois. Les transformations en fer portent sur 465 tonnes soit 68% de la production de fonte.
La production baisse considérablement entre 1877 et 1899 avec une moyenne annuelle de 125 tonnes de fonte pour une durée de fondage de trois mois seulement. A la fin du siècle, seul le haut fourneau de Savignac subsiste en Dordogne. Son maintien est en grande partie conditionné par le marché de Ruelle.
La forge s'oriente davantage vers la production de produits finis, élaborés à partir de fontes ou d'aciers spéciaux provenant des usines de Saut du Tarn, Firminy, Pauillac...
Au début du XXème siècle (1900-1912), la production de fonte s'élève à 315 tonnes par an, pour une moyenne de campagne de fondage de cinq mois. Une importante part de la production est commercialisée à Ruelle (84 % en 1901), où on apprécie beaucoup la qualité de la fonte au bois, fabriquée à Savignac-Lédrier. A partir de 1902, l'acier cémenté produit est envoyé à Ruelle.
Après la première guerre mondiale, le haut fourneau ne sera rallumé qu'en décembre 1919 pour être éteint définitivement en 1930. Les périodes de fondage retombent à trois mois pour 160 tonnes de fonte par an. Les essais de fonte au coke, réalisés au cours des dernières années resteront sans lendemain.
Les marchés
La forge de Savignac - Lédrier vend de la fonte au bois, des produits semi-finis et finis Les marchés sont très diversifiés et fluctuants, on peut néanmoins dégager quelques grandes tendances commerciales. Au cours de la période 1871-1876, Savignac alimente en fonte, les dernières forges à fer de la Dordogne (Payzac, Fayolle, Miremont, Malherbaux... ), mais aussi la société houillère d'Aubin - Decazeville (250 tonnes entre 1872-1876), et quelques forges du centre de la France.
Le Périgord représente le plus gros marché pour les ventes de fers marchands, devant les régions limitrophes (Corrèze, Limousin). La forge produit une part Importante de l'outillage agricole vendu dans la région. Entre 1887 et 1899, toutes les forges nord du Périgord sont éteintes, sauf Payzac. Les relations commerciales avec la société houillère d'Aubin-Decazeville se maintiennent, alors que celles avec les établissements du centre et de la Loire s'essoufflent. Quelques fournitures de fonte en Espagne prolongent la survie du haut fourneau.
Savignac s'efforce de produire plus de produits finis (objets taillants : socs, versoirs de charrue... ) et de trouver de nouveaux débouchés (Angers, Tours, Orléans... ), car ceux de la Dordogne et des régions limitrophes sont en perte de vitesse.
La période 1900-1912 est marquée par d'importantes relations commerciales avec la fonderie de Ruelle, en quête de fonte au bois de qualité et d'acier cémenté, et qui trouve de plus en plus de difficultés à s'approvisionner. Ce marché assure la survie de la forge qui livre entre 1899 et 1912 : 3 907 tonnes de fonte, 361 tonnes de fers et 555 tonnes d'aciers. Face à la baisse des ventes en produits finis traditionnels tel que I'outillage agricole, les maîtres de forges se lancent dans la fabrication des mèches et fleurets en acier et surtout en 1898 dans celle des clefs de conserve.
A partir des années 1920, le marché de la
fonte au bois n'existe pratiquement plus. La survie de Savignac jusqu'en
1930 est due à trois commandes importantes. En 1930 a lieu la dernière
coulée de fonte. La fabrication des clefs de conserve jusqu'en 1950, puis celle
des pointes de moulage de fonderie assurent le maintien de l'atelier de
tréfilerie jusqu'en 1975.
QUELQUES ASPECTS DE LA VIE DE LA FORGE
A la forge ou en relation avec elle, travaille tout un ensemble de personnes, des ouvriers qualifiés et une importante main d'oeuvre non qualifiée de paysans-ouvriers pour qui la forge procure un revenu d'appoint à leurs activités agricoles.
Les ouvriers qualifiés
Certains ouvriers qualifiés travaillent au haut fourneau. Il s'agit du maître fondeur, des "gardeurs"(qui assurent la surveillance jour et nuit du fourneau), des "chargeurs" (qui chargent le fourneau de minerai, castine et charbon de bois), du maître souffletier et des mouleurs.
D'autres sont à la forge, maître affineur, affineurs, forgerons, marteleurs, lamineurs, fendeurs, puddlers...
Les ouvriers qualifiés, dont le savoir-faire est très apprécié du maître de forges sont recrutés à chaque campagne de fondage.
Les ouvriers non-qualifiés
Ils sont nombreux et ont des activités très diversifiées. Y. Lamy estime : "le rapport des spécialistes aux non-spécialistes de un à dix, soit des non-spécialistes dix fois plus nombreux. Il s'agissait d'une paysannerie pluriactive et interchangeable"
Ils sont chargés de l'extraction et de la préparation des matières premières nécessaires à la sidérurgie. Ce sont les bûcherons qui préparent le travail des charbonniers, les mineurs encore appelés tireurs de mine qui restent de simples terrassiers et la main d'oeuvre qui procède au lavage, au criblage, au bocardage du minerai. Il y a aussi ceux qui assurent le transport des matières premières, du charbon de bois ou des produits métallurgiques : les voituriers, les charretiers qui perdront dans la seconde moitié du XIXème siècle la maîtrise des charrois avec l'arrivée des chemins de fer et des nouvelles techniques de transport.
Ces paysans-ouvriers auxquels il faut associer des enfants, forment un réservoir de main d'oeuvre pour le maître de forge. Travaillant à façon ou à la pièce, ils sont tributaires des marchés et du fonctionnement temporaire de la forge. Entre les ouvriers qualifiés et les paysans-ouvriers on peut distinguer un groupe intermédiaire, chargé de l'entretien des bâtiments (maçons, charpentiers), des machines hydrauliques (mécaniciens), ou encore de la réparation des soufflets (souffletiers).
Les salaires
Ils sont très variables selon les types d'activités. Les ouvriers qualifiés sont généralement bien payés - Par exemple, le salaire des puddlers ou des affineurs, qui est un salaire à la tâche, représente environ le double de celui des ouvriers d'entretien - Ces derniers sont payés le plus souvent à la journée de travail et peuvent recevoir une partie de leur salaire en nature et logent sur place à la "cantine"
Les ouvriers du fourneau
("chargeurs", "gardeurs" ..) sont rémunérés à la journée, tout comme les
ouvriers d'entretien. Leur salaire moyen mensuel reste inférieur à celui des
ouvriers puddlers. Les équipes d'ouvriers spécialisés sont constituées au début
de la campagne de fondage. Une fois celle-ci achevée, ils repartent chez eux et
reviendront offrir leurs services pour la prochaine campagne de fondage.
Bibliographie :
- Hommes de fer en Périgord au
XlXème siècle. Yvon Lamy, Editions la Manufacture 1987
- Les anciennes forges du Périgord. E.
Peyronnet, Editions Delmas 1958
-
L'Auvézère et la Loue. Pierre Thibaud, Editions Fanlac 1993
- Fonderies, forges ou l'art du fer. Encyclopédie
Diderot, Interlivres
- La grande
forge. C.Sütterlin, Editions d'Assailly
- Energies d'autrefois. B. Dufournier T. 1,
Editions E.P.A
- Fonte et fer en
Périgord. Catalogue d'exposition. Y. Laborie, Ville de Bergerac
1993
- La forge de
Savignac-Lédrier. Un exemple d'archéologie industrielle. CNDP Bordeaux
Dans la seconde moitié du XVlllème siècle,
le Haut-Périgord est une importante région sidérurgique.
Les forges de Jommelières, la Chapelle
Saint-Robert, la Mothe et Forgeneuve sur le Bandiat Bonrecueil sur la Nizonne,
possèdent deux hauts fourneaux jumelés et alimentent en canons de tous calibres
la marine royale du Ponant basée à Rochefort.
Aujourd'hui, Il reste peu de témoignages de cette
période d'intense activité économique.
Seule, Forgeneuve conserve un ensemble
architectural Intéressant.
Son
histoire est liée en grande partie au marquis de Montalembert.
DES CONDITIONS PROPICES A L'ACTIVITE SIDERURGIQUE.
La tradition métallurgique est ancienne dans la vallée du Bandiat. Depuis le Moyen-Age, de nombreuses forges fabriquent des outils pour l'agriculture, des instruments de cuisine, des plaques de cheminée... Ici toutes les conditions sont réunies pour le travail du fer.
Le minerai de fer,
Il est abondant dans la région et de bonne teneur (35 %). Collecté à la surface du sol après un labour, ou "tiré" dans des "trous" par des terrassiers, il est aussi recueilli dans des galeries rarement boisées et où les risques d'éboulement sont redoutés.
D'importantes forêts.
Les forêts de Rudeau, de la Mothe, de la Braconne... fournissent les quantités de charbon de bois nécessaires. Une fois les travaux des champs terrninés, de nombreux paysans trouvent dans le charbon de bois, une source de revenu complémentaire non négligeable.
La castine.
La castine ou pierre à chaux ne pose pas de problème d'approvisionnement. On l'utilise pour faire fondre dans les hauts fourneaux le sable et l'argile incorporés au minerai de fer.
Le Bandiat.
La rivière le Bandiat assure la force
motrice indispensable pour actionner entre autres, les soufflets qui permettent
d'élever la température du foyer et d'obtenir une meilleure combustion du
charbon de bois par un apport régulier d'oxygène. Des aménagements hydrauliques
(barrage, digue de retenue, bief... ) assurent une meilleure maîtrise de
l'eau.
La main
d'oeuvre.
Les paysans disponibles après les gros travaux agricoles fournissent la main d'oeuvre saisonnière indispensable à l'activité des forges et doit se contenter de bas salaires. Dans les grosses fonderies, les ouvriers qualifiés engagés selon leurs compétences sont bien payés.
La demande.
L'activité des forges du Bandiat pour la
plupart de taille modeste (4 ou 5 ouvriers en moyenne et une production annuelle
de 50 tonnes de fer par an), est liée à la demande fluctuante en fer et en fonte
du marché local. Sous l'impulsion du marquis de Montalembert, elles vont devoir
s'adapter à des commandes importantes en canons et dépendre désormais des achats
de la Marine Royale et des possibilités financières de l'Etat.
LE MARQUIS DE MONTALEMBERT ET LA PRODUCTION DE CANONS.
Le marquis de Montalembert (1714-1800) est à l'origine du renouveau de l'activité sidérurgique de la vallée du Bandiat, en sommeil au milieu du XVlllème siècle.
Une brillante carrière militaire,
Né à Angoulême en 1714, dans une famille de noblesse ancienne dont la devise est "je porte le fer, le fer me portera" , le marquis Marc-René de Montalembert commence à 18 ans une brillante carrière militaire. Capitaine à 20 ans, il sera promu général de division sous le Directoire, peu de temps avant sa mort en 1800, à l'âge de 86 ans.
Passionné d'art militaire, il devient sous Louis XV, le plus grand spécialiste des fortifications. Dans son principal ouvrage en onze tomes "la fortification perpendiculaire ou l'Art défensif supérieur à l'offensif" (1776-1796), il ouvre une nouvelle période dans cet art, resté presque stationnaire depuis Vauban, en introduisant son système des forts détachés qui s'imposa au XIXème siècle.
Fournisseur de canons.
Rendu à la vie civile en 1748 après la fin de la guerre de succession d'Autriche, il conçoit alors une idée qui allait changer le destin économique de la région du Bandiat : fabriquer des canons de marine.
Grâce aux indiscrétions de l'intendant de Rochefort, Montalembert apprend la réorganisation de la marine après son anéantissement par les anglais et les nouveaux besoins qui en découleraient. Il obtient ainsi, en novembre 1750, un marché de 1 400 canons à livrer en 3 ans, aux dépends de deux maîtres de forges sans doute moins influents. Montalembert parvient à prendre en main plusieurs forges de la région de l'Angoumois et du Haut - Périgord : il achète Forgeneuve pour 27.600 livres à la famille de Coube de Lusignan, Il construit l'usine de Ruelle, afferme les forges de Jommelières et la Chapelle Saint-Robert sur le Bandiat, de Rudeau, Bonrecueil et Combler sur la Nizonne, Montizon sur un affluent de la Tardoire. Il crée ainsi un groupe étonnant pour l'époque de 16 hauts fourneaux et conclue des contrats de sous-traitance avec les forges d'Etouars, de la Mothe... ajoutant encore 8 hauts fourneaux à son groupe. Pour financer les aménagements et constructions, Montalembert obtient de la Marine d'énormes avances sur son marché.
Des engagements non honorés.
Après la première fourniture de 100 canons par la forge de Jommelières en 1751, les difficultés s'accumulent ensuite. Retards de livraison, grand nombre de pièces refusées, hostilité de Marchault d'Arnouville, le nouveau ministre de la Marine, à l'égard de Montalembert expliquent l'évincement de ce dernier en 1755 pour engagements non honorés. Les entreprises de Montalembert sont alors mises en régie et dirigées par Maritz, un suisse inventeur du "banc de forage horizontal" pour les canons.
En 1771, un accord de liquidation des comptes entre l'Etat et Montalembert est conclu. En 1774, Montalembert vend les forges de Ruelle et de Forgeneuve au comte d'Artois, qui les échangent deux ans plus tard avec son frère, Louis XVI, contre des forêts en Argonne.
FONDERIE ROYALE DE CANONS POUR LA MARINE
En 1778, les installations de Forgeneuve sont entièrement renouvelées pour une somme de 18.876 livres. L'année suivante, deux machines neuves à forer et tourner les Canons sont Installées pour une dépense de 5.067 livres.
Puis, par lettres-patentes du 21 juillet
1782, le roi érige "Ruelle et Forgeneuve en Fonderies et Manufactures royales,
avec le privilège de fabriquer à perpétuité des canons pour notre marine", avec
"permission aux entrepreneurs d'y avoir des gardes revêtus de nos livrées et de
faire mettre pour inscription sur les principales portes desdits établissements
: Fonderie royale de canons pour la Marine".
La vie à la forge.
On a du mal aujourd'hui à imaginer la
grande activité qui devait régner autour des bâtiments durant les 5 mois en
moyenne par an de fabrication de la fonte.
Celle-ci se fait dans deux hauts fourneaux
construits en 1750 par Montalembert, en pierre calcaire et revêtus à l'intérieur
d'une chemise en briques réfractaires. Une passerelle en bois inclinée permet de
monter à dos d'homme mènerai, castine et charbon de bois sur la terrasse, afin
de remplir les hauts fourneaux par le haut. La fonte produite se rassemble dans
la partie basse du haut fourneau ou creuset. Les travaux de manutentions,
extractions, transports sont assurés par les paysans locaux. Des ouvriers
qualifiés, généralement étrangers au pays dirigent le chargement des hauts
fourneaux, assurent la fabrication des moules, les coulées, les
forages.
La production de canons.
Il est difficile d'évaluer la production de Forgeneuve. Jean Maudet dans un article documenté sur Forgeneuve et le marquis de Montalembert cite quelques statistiques :
- En 1784, les ordres de fondage donnés à Loulaigue "fondeur habile et avisé" à qui la Marine a confié l'entreprise, portent sur : 106 canons de calibre 12 ( c'est-à-dire lançant des boulets de 12 livres ), 64 canons de calibre 8, 54 canons de calibre 6 soit 224 canons au total
- Un rapport de la Marine de 1792 évalue la capacité de production de Forgeneuve à 4 000 quintaux d'artillerie.
- 182 canons sont coulés en l'an Il et en l'an lll de la République.
Après la mort de Loulaigue en l'an VI, sa veuve poursuit l'exploitation de la forge et reçoit en l'An Vll une commande de 120 canons. En 1803, Forgeneuve cesse toute activité. En 1825, tout le matériel est démonté, puis transporté à Ruelle, fonderie mieux placée, plus moderne, de plus grande capacité.
UN BEL ENSEMBLE ARCHITECTURAL
En 1845, les terres, puis en 1870 les
bâtiments de Forgeneuve sont vendus par l'Etat à la famille Vallade - Mousnier -
Maudet. Forgeneuve conserve aujourd'hui le bâtiment des hauts fourneaux du
XVlllème siècle avec une roue motrice en bois, la halle à charbon et le logis du
maître. L'ensemble de la Forge est inscrit à l'inventaire supplémentaire des
Monuments Historiques depuis 1976.
Bibliographie :
- Forgeneuve et le marquis de
Montalembert. J. Maudet, Cahiers de la Chapelle St Robert n° 3, p. 1 à
14
- L'ancienne Industrie du
fer dans la Périgord septentrional. R. Pijassou, Mémoire de D.E.S -
Bordeaux 1959
- Energies
d'autrefois. B. Dufournier, E.P.A tome 1
- Documentation du Centre d'Etude et de Découverte
du Patrimoine à Varaignes
FORGE D'ANS
Située au confluent de l'Auvézère et du
Blâme la forge d'Ans fut l'une des plus importantes du Périgord au XVIllème et
XlXème siècles.
Sous l'impulsion
de plusieurs familles de maîtres de forges renommés, elle connaîtra une grande
activité et livrera de nombreux canons à la royauté puis à la République
et à l'Empire.
Elle cessera de
fonctionner en 1870.
LA FORGE D'ANS : DE FRANCOIS D'HAUTEFORT
AUX BERTIN
Les origines de la
forge d'Ans.
Le site où se trouve
la forge d'Ans, fait parti d'un bien acheté en 1603 par le seigneur de
Marquessac au roi Henri IV. L'acte de vente stipule : "... ce qui restait
à vendre de la châtellenie d'Ans, soit le château et bourg dudit lieu et le
surplus de la paroisse de la Boissière où lis étaient situés....";
Le mariage de Jeanne de Marquessac avec René d'Hautefort d'Ajat en 1613, fait passer la châtellenie d'Ans aux mains de la puissante famille d'Hautefort.
A partir de 1661, François d'Hautefort, seigneur d'Ans, exploite comme fermier la forge d'Auberoche sur l'Auvézère, puis plusieurs autres forges en Périgord, et acquiert une solide réputation dans l'industrie du fer.
En 1682, des problèmes financiers et des commandes Importantes de canons à fondre l'obligent à s'associer avec Jean Bertin, riche bourgeois de Périgueux. La plupart des forges du Périgord méridional travaillent alors pour le seigneur d'Ans et livrent des canons.
Mais devant les difficultés de trésorerie croissantes et aussi celles à gérer d'importants marchés et des livraisons de canons avec de nombreuses forges, François d'Hautefort décide en 1691 de construire à Ans, une forge dont il sera le propriétaire. Un double haut-fourneau, indispensable pour la fabrication de canons en fonte, est édifié sur le modèle d'Auberoche par un entrepreneur de Fossemagne : Anthoyne Porte.
Des canons pour le Roi.
En juin 1692, le maître de forge d'Ans livre pour le roi : un canon de calibre 48 pesant 8050 livres, 2 canons de 24, 13 canons de 36 et 4 de 18 dont 3 sont envoyés à Saint-Domingue.
Avec ses associés, Bertin, propriétaire de la forge de Saint Laurent du Manoire, exploitant aussi la forge voisine de Chignac et Bardon de Segonzac, de la forge du Vimont à Plazac ; Il va livrer à l'arsenal de Rochefort de 1696 à 1706, 257 canons, 7 mortiers, 2 600 bombes et 100 boulets ronds pour chacun des canons.
Chaque gros canon fabriqué à Ans est chargé sur une charrette tirée par 9 chevaux jusqu'au port du Moustier sur la Vézère, en passant par Thenon, le Jarripigier près de Bars, le Bos de Pazac et le château de Chabans. Au Moustier, les canons sont embarqués sur les gabarres qui descendent la Vézère, puis la Dordogne jusqu'à Bordeaux où des navires les prennent en charge jusqu'à Rochefort.
Les difficultés et un prestigieux propriétaire en 1754 : Henri Bertin.
Dans la première moitié du XVIllème siècle, la forge d'Ans passe entre différentes mains et connaît des difficultés.
En 1708, François d'Hautefort meurt et Bernard d'Azat, son fils, prend la direction de la forge. L'associé Jean Bertin meurt en 1716, son fils Jean Bertin Il qui lui succède sera le père du futur ministre de Louis XV.
Incapable de procéder aux réparations nécessaires, ni d'honorer ses dettes, Bernard d'Azat vend la forge à Louis Chapon qui la cède à son tour à Jean Bertin Il en 1740 pour 9000 livres. A la mort de ce dernier en 1754, la forge d'Ans devient alors la propriété d'Henri Bertin.
Baron de Bourdeilles, protégé de madame de Pompadour, intendant de Lyon ; son ascension politique est rapide. Il sera successivement, lieutenant général de police à Paris, contrôleur général des Finances, ministre et secrétaire d'Etat chargé de l'Agriculture, des Mines et de la Navigation intérieure.
Au début des années 1760, le géologue Desmaret note dans un rapport : "... la chute de l'eau qui débouche dans le vallon du "Haut-Vézer" est très rapide et très brusquée. On ménage cette pente pour profiter de l'effort de l'eau et la distribuer avec avantage sur les roues destinées à faire mouvoir les soufflets du fourneau de fonte et les foreries de canons. La mine qu'on emploie dans cette forge est tirée, pour la grande partie de la forêt des Charbonniers (au nord-ouest)... On prétend qu'elle contribue à rendre le fer doux et facile à forer. On y mêle un peu de la mine d'Excideuil, qui est en plus grande masse, et celle que l'on prend sur les hauteurs avant Cubjac, de la même espèce que celle des charbonniers".
En 1781, Henri Bertin afferme la forge d'Ans à Jean Jouffre, avocat au Parlement, qui laisse la direction de la forge à son fils et surtout à son neveu, Jean Festugière, né à Saint Orse en 1763. Les travaux ont repris à Ans et le 8 mai 1784, une commande de 120 canons est sur le point d'être livrée.
Vente contestée et procès
Le rachat de la forge par les Bertin est vivement contesté par la fille de Bernard d'Hautefort, puis par sa petite-fille, la marquise d'Arlot Taillefer. Cette dernière réussit après des années de procédure contre quelqu'un d'aussi puissant que Henri Bertin, à reprendre en 1788 le bien de son grand-père contre une indemnité de 6 000 livres représentant le prix de deux foreries de canons établies par les Bertin.
LES FESTUGIERE DIRIGENT LA FORGE
Le 30 mai 1791, les bâtiments de la forge sont en partie détruits par un ouragan qui cause de sérieux dégâts. La marquise de Taillefer, voyant la noblesse menacée dans ses possessions, au lieu d'engager d'énormes frais pour la restauration préfère vendre la forge à Jean Festugière le 2 décembre 1791 pour 24 000 livres.
Des canons pour la République et l'Empire.
Après restauration, la forge connaît une intense activité sous la période révolutionnaire. Une lettre de la Commission aux Armées datée du 9 Nivose an lll (21 décembre 1794) et adressée à Jean Festugière résume la situation : "Fais tout pour fournir des canons à la République qui en a le plus grand besoin". A la même date, le représentant en mission Lakanal note que 247 canons ont été fabriqués et que 220 canons sont à l'ouvrage à Ans, soit bruts, soit forés, soit prêts à être éprouvés.
De 1798 à 1805, Jean Festugière passe des marchés pour la livraison de : 200 canons de 12, 8 et 6, 250 caronades de 36. et 24, 200 crapaudines, et près de 20 000 boulets de 36 et 24.
La plus importante force du département
En 1811, une enquête sur l'état des usines en fer montre que la forge d'Ans est la plus importante du département. Elle comprend deux hauts fourneaux, une forge à battre, une forerie de canons et deux ateliers de moulerle. Elle produit 5000 quintaux métriques de fonte en gueuse et 400 quintaux métriques de fer forgé. Il livre une grande quantité de canons, caronades et boulets à la Marine. La forge emploie entre 300 et 400 ouvriers.
Jean Festugière possède une grosse fortune qui lui permet d'acheter en 1811, la Forge-Neuve sur le Manaurie, en 1814 la forge des Eyzies sur la Beune, et de faire construire sur l'emplacement de l'ancien château d'Ans, une belle maison de maître.
La succession de Jean Festugière.
Jean Festugière avait associé deux de ses
fils à son affaire. A sa mort, le 18 janvier
1829 à l'âge de 66 ans, l'aîné Adrien, devient chef
de famille. Il garde la forge d'Ans. Son frère
Eugène, exploite la forge des Eyzies, mais Adrien
coordonne la marche de toutes les usines.
L'usine des Eyzies sera modernisée, elle adoptera le système anglais et fabriquera du fer à partir de la houille tandis que la forge d'Ans continue à produire de la fonte au charbon de bois.
Après la mort accidentelle d'Eugène en
1855, Adrien vendra l'usine des Eyzies. Prévoyant la crise des forges du
Périgord par suite de la concurrence croissante intérieure et extérieure, il met
en 1862 la Société Jean Festugière et Cie en liquidation. La forge d'Ans
est vendue à Abel Picaud qui essaie de maintenir les hauts fourneaux en
activité, mais la forge cessera de fonctionner en 1870.
Bibliographie :
- Les anciennes forges du Périgord. E.
Peyronnet Editions Delmas
- Hommes
de fer en Périgord au XlXème siècle. Y. Lamy Editions la
Manufacture
- La grande forge. C.
Sütterlin Editions d'Assailly
-
Energies d'autrefois. B. Dulburnier T.1 Editions E.P.A
- Fonte et fer du Périgord. Catalogue de
l'exposition Mairie de Bergerac
-
Encyclopédie Diderot et d'Alembert.
- Forges ou l'art du fer, fonderies, Marine
Editions Inter-livres
-
Documentation de monsieur Michel Rendu, propriétaire de la forge d'Ans
- Article de M. Secondat sur la forge
d'Ans
- Journal Sud-Ouest
LA CENTRALE HYDROELECTRIQUE DE
TUILIERES
Achevée en 1908 après trois ans et demi de
travaux, la centrale hydroélectrique de Tuilières, située à 12 km en amont de
Bergerac fut l'une des premières centrales construite de cette importance par sa
production, sa taille et son aménagement.
Conçue pour alimenter en électricité une bonne
partie du Sud-Ouest, la construction de l'usine et du barrage représente un
chantier gigantesque pour l'époque, qui mobilise près d'un millier de
personnes.
Aujourd'hui Tuilières
n'est plus recensé parmi les principaux sites hydrauliques de France.
Responsable de la fin de l'épopée des
poissons et des migrateurs, l'aménagement d'un ascenseur à poissons à Tuilières
et de passes à poissons à Bergerac et à Mauzac autorisent à nouveau le retour
des poissons migrateurs qui peuvent désormais remonter la Dordogne jusqu'à leurs
frayères.
LES ORIGINES DU PROJET
Le projet d'une centrale hydroélectrique apparaît en Dordogne en 1902 - M. Defforges, ingénieur-constructeur évoque une pétition demandant "l'autorisation d'établir sur la rivière Dordogne, une centrale hydroélectrique destinée à produire l'énergie nécessaire aux villes de Périgueux et Bergerac pour l'éclairage et l'usage de la force motrice".
En réalité, la centrale de Tuilières alimentera en électricité, une région bien plus vaste avec les villes de Bordeaux, Libourne, Angoulême. Au début du siècle, l'usine de Tuilières et son puissant barrage de basse chute représentera le grand centre de production du réseau de distribution électrique du Sud-Ouest. Le 22 août 1904, un décret autorise la Compagnie Générale de Distribution d'Energie Electrique d'établir sur la Dordogne, près du village de Tuilières, à 320 mètres environ en amont de l'embouchure du canal de Lalinde, un barrage et une centrale hydroélectrique.
Par un autre décret du 13 janvier 1906, la société privée "l'Energie Electrique du Sud-Ouest" peut réaliser "l'emprunt de la Dordogne pour la mise à jour de l'usine hydroélectrique de Tuilières"
UN BARRAGE MOBILE ET UNE USINE AU "FIL DE L'EAU"
L'ingénieur Albert Claveille écrit "encaissé entre deux berges rocheuses, le lit de la Dordogne en amont de Tuilières, dont la largeur moyenne est de 100 mètres, se prêtait particulièrement à l'établissement d'un barrage... mais étant donné le régime de la rivière et Inexistence de crues importantes, on ne pouvait songer à établir un seuil fixe..."
Les crues de 5 à 7 mètres en temps normal peuvent atteindre exceptionnellement 15 mètres comme la plus haute crue connue en 1783. Les ingénieurs optent pour une retenue maximale de 12 mètres à l'étiage et conçoivent un barrage mobile. Ils prévoient un barrage long de 105 mètres, se composant de 9 piles construites en pierres assemblées au ciment. Entre les piles, les intervalles ou pertuis, seront équipés de vannes métalliques mobiles pesant chacune 93 tonnes environ et pouvant être levées à 17,76 mètres, soit au-dessus de la plus haute crue connue.
Une centrale thermique palliera aux déficiences de l'usine hydraulique en période de basses eaux. Le combustible, le charbon, sera acheminé depuis le port de Bordeaux en bateau ou par vole ferrée, ce qui explique l'aménagement d'un embranchement reliant l'usine à la gare de Saint Capraise de Lalinde.
Une échelle à poissons d'une longueur de 71,40 mètres dite "à cascades" , constituée d'une série de bassins échelonnés, complétera l'édifice. Malheureusement, cette échelle ne donnera jamais entièrement satisfaction et il faudra attendre la mise en service de l'ascenseur à poissons en 1990 pour que les migrateurs puissent enfin franchir sans problème le barrage
UN CHANTIER GIGANTESQUE
Commencés dès le mois de juin 1905, l'usine et le barrage seront achevés à la fin de l'année 1908. "Il a fallu trois années et demi pour achever cette oeuvre considérable", écrit Albert Claveille ingénieur en chef des Ponts et Chaussées en 1910. Ce gigantesque chantier rendu difficile en raison des crues, mobilisa près de 1 000 ouvriers en 1908 et coûta douze millions de francs de l'époque et... la vie à trois ouvriers.
Les débuts des travaux
Après l'acquisition des terrains, les premiers terrassements commencent au mois de mai 1905. La Société Anonyme des Grands Travaux de Marseille et les ingénieurs-constructeurs s'engagent dans une convention à ce que "l'ensemble de tous les travaux devra être complètement terminé le 1er décembre 1907". Tuilières devient un lieu très fréquenté. On vient voir le chantier avec le barrage, l'usine et les bâtiments annexes qui, peu à peu, sortent de terre.
Un chantier difficile, perturbé par les crues et émaillé d'accidents
Dominique Parmentier-Bécheau dans un article paru en 1989 dans le journal du Périgord "Il était une fois Tuilières" rapporte, à partir de faits parus dans la presse locale, les principaux problèmes rencontrés sur ce chantier important. En novembre 1905, les travaux sont inondés, à la suite d'une crue de la Dordogne. Le 27 janvier 1906, le chantier est endeuillé par un accident : une passerelle en bois surplombant la fouille du futur emplacement de l'usine s'effondre sous le poids de deux wagonnets chargés de béton. Le bilan d'un mort et de cinq blessés aurait pu être plus lourd puisque 40 ouvriers venaient tout juste de quitter le fond de la fouille.
Perturbés longtemps par les crues, les travaux ne peuvent reprendre qu'en mars 1906 et l'été exceptionnellement sec permet de combler les retards.
Malgré les incidents et les contretemps, l'état des travaux est assez avancé au début de l'année 1907. Le journal "l'indépendant" du 12 janvier écrit : "L'on peut parfaitement se rendre compte de la beauté du barrage et de cette oeuvre industrielle qui fait le plus grand honneur à ceux qui l'on conçue et à ceux qui en ont assumé la charge".
430 personnes sont employées sur le chantier au moment du bétonnage des fondations de l'usine. Le 13 février, un manoeuvre de Bergerac pris d'un malaise, chute et se fracture le crâne. En août, la passerelle reliant les deux rives de la Dordogne est pratiquement terminée. Bientôt les turbines en provenance de Suisse seront mises en place. On recense 800 ouvriers sur le chantier, près d'un millier en octobre. Le journaliste local écrit le 30 octobre : "Partout le chantier présente une activité fiévreuse" . Mais une crue importante interrompt les travaux. Les entrepreneurs ne pourront tenir leurs engagements, l'achèvement des travaux est renvoyé à l'année suivante. L'activité se poursuit au début de l'année 1908, les équipes travaillent jour et nuit. Mais le 24 janvier, le chantier connaît sa troisième victime, un tailleur de pierre pris d'une congestion cérébrale. Deux crues retardent à nouveau le chantier. A la fin du printemps, les travaux touchent cependant à leurs fins. Au mois de juin 1908, la société "Energie Electrique du Sud-Ouest" commence à poser des câbles pour le transport de la force électrique.
POLEMIQUE AUTOUR DU BARRAGE
A peine terminé, le barrage suscite des polémiques. La navigation est rendue difficile aux alentours du barrage. Le Journal de Bergerac en janvier 1 908 rapporte : "Depuis le 31 décembre, il est impossible de traverser la Dordogne en bateau pour se rendre de Tuilières à Saint Aigne, à cause des remous provoqués par les vannes et les turbines En avril 1909, le même journal constate la lenteur de la mise en service de la centrale : "sur neuf turbines hydrauliques, trois seulement ont été mises en marche" et que "I'éclairage n'est pas régulier" . La colère des pêcheurs est rapportée : "l'établissement du barrage de Tuilières a plongé les pêcheurs de Mauzac dans une véritable misère..." Les poissons migrateurs ne peuvent pas franchir le barrage, malgré l'échelle à poissons mise en place et dont les modifications apportées sous la pression des pêcheurs et des municipalités s'avéreront inefficaces.
Les protestations sont moins virulentes en 1910, le barrage est devenu un lieu de promenade. On vient parfois de loin, voir la centrale qui désormais alimente en électricité une partie du Sud-Ouest. Tuilières accueille en septembre 1910, une délégation de ministres : M. Millerand, ministre des Travaux Publics, M. Barthou, ministre de la Justice et M. Chargnéraud, ministre de la Navigation au ministère des Travaux Publics. Et Albert Claveille d'écrire : "L'usine de Tuilières a permis de développer les réseaux de ces secteurs (du Sud-Ouest) et de donner un nouvel essor à de nombreuses industries de la région, guère favorisées... la construction de l'usine a donc été pour cette contrée une heureuse innovation".
UNE CENTRALE MODERNISEE
Mis en exploitation en 1908 avec une installation comprenant six groupes de 2 000 kW, puis neuf en 1910, l'équipement hydraulique est jumelé jusqu'en 1951 avec une centrale thermique à charbon. Trois groupes turbo-alternateurs de 3 000 kW sont alimentés par de la vapeur produit par seize chaudières.
En 1947, le barrage est surélevé de 50 cm et de 1950 à 1954, l'ensemble des installations de la centrale est modernisé :
- la centrale thermique est supprimée en 1951
- les neuf groupes hydrauliques existants sont remplacés par huit groupes plus puissants de 5 500 kW chacun
Le contrôle-commande des installations en
semi-automatisation depuis 1965, est passé en 1981 en automatisation complète.
Centrale et barrage sont aujourd'hui pilotés par deux automates programmables.
La centrale hydroélectrique de Tuilières fait partie d'un groupement qui
comprend aussi les centrales de Mauzac et Bergerac. Dix sept agents dont trois
surveillants sont chargés de l'exploitation courante des trois centrales qui
fonctionnent de façon entièrement automatique. Depuis 1990, un ascenseur à
poissons au fonctionnement automatique et à l'accès libre au public permet
désormais aux poissons migrateurs de franchir le barrage.
Bibliographie :
- "il était une fois Tuilières" article de D. Parmentier-Bécheau paru dans le Journal du Périgord, n° 2 automne 1989
- La Dordogne - la rivière asservie, les grands barrages. P. Floirat. Editions les Monédières
- Divers documents EDF. Groupe Régional de Production Hydraulique Massif Central et Sous-Groupe Bergerac
- Energies. SOFEDIR - 1980
LE RETOUR DES MIGRATEURS DANS LA DORDOGNE
Depuis près d'un siècle, les saumons et
les autres migrateurs ne remontent plus la Dordogne.
Les barrages de Bergerac, Mauzac et Tuilières sont
les grands responsables de cette disparition.
Aujourd'hui, les migrateurs sont de retour.
A l'origine de ce repeuplement, une
volonté des principaux partenaires de la rivière, dans les années 70, de tout
mettre en oeuvre pour réintroduire le saumon dans la Dordogne.
Avec la construction de deux passes performantes à
Bergerac et à Mauzac, d'un ascenseur à poissons à Tuilières, la voie est
désormais libre pour les migrateurs, qui peuvent rejoindre les frayères situées
en aval des barrages
UNE RIVIERE, JADIS RICHE EN SAUMONS ET AUTRES MIGRATEURS
La Dordogne est une rivière puissante, née au c_ur du Massif Central à 1400 mètres d'altitude, de la réunion de deux torrents : la Dore et la Dogne. Elle rejoint la Garonne au bec d'Ambès, dans l'estuaire de la Gironde après un cours de 450 km.
Alimentée par un bassin versant de 24 500 km², soumise à un régime pluvio-nival, elle présente sur une grande partie de son cours, une pente importante favorisant une excellente oxygénation de l'eau. Une riche faune de larves, d'insectes, de mollusques et de crustacés se développe sur les fonds de galets, graviers et sur les sédiments fins, servant de nourriture à près de 40 espèces de poissons.
Parmi eux, 8 espèces de poissons migrateurs remontent et descendent le cours de la Dordogne et de ses affluents pour se reproduire ou se nourrir. Cinq d'entre elles, remontent au delà de Tuilières. Il s'agit du saumon atlantique, de l'alose, de l'anguille, de la lamproie et de la truite de mer. Abondante source de nourriture, les poissons migrateurs ont fait l'objet d'une pêche intensive jusqu'au début du XXème siècle, entretenant une importante communauté de pêcheurs, souvent en conflit avec les autres utilisateurs de la rivière, les gabarriers en particulier.
Selon les statistiques, en 1891, il se pêchait dans la Dordogne, 12 tonnes de saumons. On rapporte que les saumons étaient si beaux et si nombreux, que les marchands parisiens demandaient à leurs fournisseurs de Bergerac, des pièces moins grosses qui seraient plus faciles à vendre...
PUIS VIENNENT LES BARRAGES.... OBSTACLES INFRANCHISSABLES
Cet âge d'or de la pêche n'est plus qu'un lointain souvenir. Les migrateurs ont fini par déserter la Dordogne. La raison à cela : les barrages construits pour améliorer la navigation, puis pour produire de l'électricité.
Les barrages de Mauzac, Bergerac et
Tuilières, édifiés entre 1839 et 1908, puis surélevés, en empêchant les
géniteurs d'accéder aux zones de reproduction en amont, ont anéanti les
populations de saumons et décimé les effectifs des autres migrateurs en limitant
les possibilités de fraye à l'aval de Bergerac. Les échelles à poissons
construites, puis modifiées à maintes reprises, n'ont jamais véritablement
fonctionné. Les pollutions, les gravières anarchiques et les pêches abusives ont
fini par avoir raison des migrateurs les plus obstinés...
UN PLAN AMBITIEUX POUR REINTRODUIRE LES MIGRATEURS
C'est en 1977 que le ministère de l'Environnement et le Conseil Supérieur de la Pêche (C.S.P) mettent sur pied, un vaste programme de restauration. Ce projet consiste à aleviner en amont sur les zones où naissaient jadis les saumons et à améliorer ou à refaire des échelles à poissons performantes, permettant de franchir les obstacles pour remonter vers les frayères.
La réintroduction du saumon
Les premiers essais de réintroduction du saumon ont débuté en 1985 et se sont révélés infructueux. Les saumons écossais, norvégien ou canadien, n'ont pu s'adapter en Dordogne. Après une période de tâtonnement, on eut l'idée d'expérimenter une autre espèce, le saumon de Loire et les résultats ont été rapidement probants.
Une structure de production d'oeufs a été mise en place à Vitrac puis une station de reconditionnement du saumon à Bergerac. Les saumons capturés sur la Loire pondent en captivité dans des bassins aménagés. Les oeufs récupérés sont placés dans une écloserie et les alevins grossissent ensuite dans des piscicultures avant d'être relâchés sur les frayères potentielles de l'amont. Devenus tacons, puis smolts à 1 ou 2 ans, de la taille d'une truite, ils dévalent vers l'océan où ils engraissent à l'ouest du Groenland pendant une période de 14 à 36 mois, avant de revenir se reproduire à leur tour sur les lieux de leur vie juvénile. Les zones de fraye sont caractérisées par une profondeur modérée, une vitesse de courant importante et un fond de gravier.
Des infrastructures enfin efficaces pour franchir les barrages
Parallèlement aux recherches sur la réimplantation du saumon sur la Dordogne, toute une action d'envergure fut entreprise pour faire sauter les trois verrous qui s'opposaient au passage des migrateurs. En 1982, EDF, après avoir signé une convention avec le Ministère chargé de l'Environnement et le Ministère de l'industrie, a crée une cellule spécialisée en matière de conception, de contrôle d'efficacité et de recherche sur les dispositifs de franchissement des ouvrages hydroélectriques. Ainsi deux nouvelles échelles à poissons performantes ont été construites à Bergerac en 1984, puis à Mauzac en 1986. Sur ces barrages de faible hauteur, on opta pour une passe à bassins successifs à fente verticale. Ce type de passe permet de répondre aux grandes variations de niveaux amont et aval et convient aussi bien aux saumons qu'aux aloses.
Le principe de l'échelle est simple. Il consiste à créer un courant d'appel qui attire le poisson à l'endroit voulu. Des paliers divisent la dénivellation et peuvent être "avalés" les uns après les autres par les migrateurs qui, naturellement, sautent les obstacles. Des zones de repos séparent les paliers, des sortes de chicanes placées tout au long de l'échelle créent les effets de remous dont a besoin le poisson.
A Bergerac, le dispositif d'une longueur de 73 m permet de franchir la chute de 4m. Il comprend 12 bassins successifs d'une largeur de 6 m et de 4,5 m de largeur. A Mauzac, l'ouvrage a été étudié pour franchir l'obstacle de 7m que représente le barrage. Il comprend 23 bassins successifs de 3 m de longueur et de 2,8 m de largeur. Mais le plus étonnant des équipements construits est sans contexte l'ascenseur à poissons à Tuilières.
Ici la dénivellation de 12 m est trop importante et ne permettait pas l'installation d'une échelle classique. On a donc imaginé un ascenseur adapté aux migrateurs. C'est un système mécanique qui consiste à attirer par un courant d'appel les poissons au pied de l'obstacle dans une cuve, puis à remonter cette cuve et à la déverser en amont. Un point d'observation a été aménagé, où l'on peut, à travers une vitre sans tain, voir les poissons filer vers leurs lieux de reproduction. Au total, 30 millions de francs ont été investis financés à 20 % par le ministère de l'Environnement et à 80% par EDF.
DES RESULTATS ENCOURAGEANTS
La route des frayères de l'amont est de nouveau ouverte. Les statistiques attestent des résultats encourageants. L'année 1994 a été celle de tous les records pour la remontée des migrateurs. 375 saumons ont emprunté l'ascenseur de Tuilières, on a aussi enregistré le passage de 62 585 aloses, de 4 368 lamproies et de 350 truites de mer.
Il faut bien sûr être prudent et attendre la confirmation de ses premiers résultats positifs pour savoir si les saumons de la Dordogne seront suffisamment nombreux pour se reproduire sans que l'homme ait, à intervenir. Il convient d'être vigilant, car trop d'actes de braconnage sont constatés. La capture des saumons est interdite dans l'estuaire et sur la Dordogne, mais il n'est un secret pour personne que des actes de braconnage sont légion. En 1994, entre Mouleydier et Tuilières, on parle de 100 poissons capturés au filet. Les eaux fortes de 1994 ont aidé à la remontée et contrecarré les braconniers.
Le taux de réussite reste encore faible. Guy Pustelnik constate : "sur 300 000 poissons lâchés, on n'en récupère que 300, ce qui fait 1 pour 10 000, alors que nous devions être logiquement à 1 pour 100. Patrick Chèvre, le biologiste de MIGADO note avec satisfaction la remontée en 1995, de saumons marqués et lâchés il y a 4 ans." Je crois que dans 2 ou 3 ans, la reproduction naturelle pourra reprendre....". Il faut poursuivre les efforts entrepris, harmoniser des réglementations pour s'opposer efficacement aux braconniers, lutter contre toutes formes de pollutions de l'eau. Il reste aussi à aménager quelques échelles sur des ruisseaux affluents pour multiplier les aires de fraye. L'enjeu est d'importance. Le saumon peut développer l'emblème et l'image de marque de la Dordogne. Une rivière à saumons est un atout touristique de première importance, un gage de qualité des eaux.
Bibliographie :
- Rivières et vallées de France : la
Dordogne sous la direction de G. Pustelnik, Editions Privat
- "Quand les saumons grimpent à
l'échelle" article paru dans le Journal du Périgord, n° spécial mai 1990
- Articles de presse parus dans
Sud-Ouest
- Documentation EDF,
Energie Aquitaine. G.E.H Bergerac
LES POISSONS MIGRATEURS DE LA DORDOGNE
La Dordogne est l'une es rares rivières à abriter huit populations d'espèces migratrices. Cinq d'entre elles remontent au delà de tuilières (saumon, alose, anguille, lamproie et truite de mer).
Avant la fin du XlXème siècle, la pêche constituait une ressource importante dans la vallée. Les remontées des espèces migratrices étaient l'occasion de pêches traditionnelles et rythmaient une activité qui alternait souvent entre l'agriculture et l'exploitation piscicole de la rivière.
A la fin du XIXème siècle, l'industrialisation de la vallée (construction de barrages, pollutions industrielles et citadines) entraîne une dégradation du milieu et provoque une très forte diminution des populations migratrices (esturgeon, lamproie marine, alose, truite de mer) voire leur disparition (saumon).
Le braconnage de certaines espèces au niveau de l'estuaire (civelle, saumon, esturgeon) accentue cette baisse des effectifs (ces pêches illicites sont très lucratives et restent un problème d'actualité).
Dans les années 1980, le plan de réintroduction du saumon dans la Dordogne permet d'équiper les barrages de la basse Dordogne en "passes à poissons" efficaces et favorise de nombreuses actions destinées à améliorer la qualité de l'habitat et de l'eau de la rivière.
Toutes les populations migratrices bénéficient de cette restauration du milieu.
Saumon atlantique : nom : Salmo, Prénom : Salar, famille : Salmonidés
Le saumon vit dans les eaux riches du
Groenland. Il remonte la Dordogne pour s'y reproduire en novembre-décembre. La
ponte a lieu dans la haute Dordogne (Beaulieu - Argentat) et donne naissance à
des alevins qui passeront 1 à 2 ans dans la rivière (Tacons).
En mars-avril, ces tacons subissent de profondes
modifications physiologiques et prennent une teinte bleutée argentée
(smolts).
Ils dévalent la rivière
avec les crues de printemps et repartent dans les eaux du Groenland. Certains
adultes peuvent accomplir le cycle migratoire plusieurs fois.
Le saumon qui avait totalement disparu de la
Dordogne à la fin du XlXème siècle fait l'objet d'un plan de restauration. Il
recolonise progressivement les eaux du Bassin.
La Grande Alose : nom : Alosa, prénom : Alosa, surnom : Poisson de mai, famille : Clupéidés
La grande alose remonte la Dordogne à partir d'avril-rnai et donne lieu, à cette occasion, à une pêche traditionnelle au filet (la serre) à l'aval du barrage de Bergerac.
Elle fraye au début de l'été sur les
galets de la zone amont de la moyenne Dordogne (amont de Souillac) et donne
naissance à des alevins qui dévaleront dès l'automne suivant.
La population de grande alose de la Dordogne est en
pleine expansion depuis l'amélioration des passes à poissons des barrages de
Mauzac, Tuilières et Bergerac (près de 80.000 individus observés en 1995 à la
passe de Tuilières).
Lamproie fluviatile : nom : lampetra, prénom : fluviatilis, famille : Petromyzonidés
La lamproie fluviatile présente un mode de
vie et un cycle biologique très proche de ceux de la lamproie marine.
Elle vit près des côtes atlantiques et
des zones estuariennes et entame sa migration dans la Dordogne à l'automne pour
se reproduire en mai-juin. Elle donne naissance à des larves qui passeront
3 à 5 ans dans la rivière avant de migrer vers le milieu marin.
Truite de mer : prénom : Trutta Trutta, famille : Salmonidés
La truite de mer adulte vit à proximité des côtes et remontent la Dordogne pour se reproduire (printemps-automne).
La ponte a lieu en novembre-décembre dans la haute Dordogne et donne naissance à de jeunes truitelles qui dévaleront la rivière vers l'océan. La population de truite de mer de la Dordogne semble en augmentation depuis quelques années.
Anguille : nom: Anguilla, prénom : Anguilla, famille : Anguillidés
L'anguille est un poisson serpentiforme dont la phase adulte colonise la plupart des eaux douces. Les adultes dévalent la Dordogne et traversent l'Atlantique pour se reproduire dans la mer des Sargasses. Après l'éclosion, les larves sont ramenées par le Gulf Stream sur les côtes européennes où elles se métamorphosent en jeunes anguilles (pibales ou civelles) qui remontent la rivière.
Esturgeon : nom : Acipenser, prénom : Sturio, famille : Acipenséridés
Ce migrateur est pêché dans la Dordogne
depuis plus de deux siècles pour la fabrication de caviar. De 50 tonnes en
1950, les prises ne représentaient plus que 0,4 tonnes en 1980. Depuis
1982, sa pêche et sa commercialisation sont sévèrement réglementées.
La forme adulte de l'esturgeon est marine
mais peut effectuer de fréquentes incursions dans l'estuaire.
Au début du printemps, il remonte la Dordogne pour
se reproduire sur les galets (le barrage de Bergerac marque la limite amont de
son domaine accessible). Les alevins issus de cette reproduction
redescendent dans l'estuaire vers décembre et y séjournent 2 à 3 ans avant de
regagner la mer.
Très récemment,
un plan de restauration de cette espèce s'est mis en place avant qu'elle ne
disparaisse totalement. La sauvegarde de la population d'esturgeons de la
Dordogne parait envisageable puisque une quinzaine de sites favorables à sa
reproduction auraient été recensé.
Lamproie marine : nom : Petromyzon, prénom : Marinus, famille : Petromyzonidés
La lamproie marine (comme la lamproie
fluviatile) n'est pas un poisson au sens strict mais un vertébré sans mâchoire
(agnathe). Pour se nourrir, elle se fixe sur le flanc des poissons par sa
ventouse et aspire le sang et des lambeaux de chaire de ses hôtes.
L'adulte est marin et remonte la Dordogne
au printemps pour se reproduire en rnai-juin-juillet sur les fonds de galets et
de graviers de la haute et de la moyenne Dordogne.
Les larves (ammocètes) se nourrissent en
filtrant l'eau et la vase. Elles restent dans la rivière quelques années
(4 à 6 ans) puis se métamorphosent en adultes qui dévalent vers la mer.
Alose feinte : nom : Alosa, prénoms : Fallax - Fallax, famille.- Clupéidés
L'Alose feinte se distingue de sa cousine
la grande alose, par une taille plus petite et par une série de taches sombres
disposées le long de ses flancs.
Elle vit dans les eaux côtières et remonte la
Dordogne pour s'y reproduire. Elle fraye dans les eaux saumâtres de l'estuaire
sur des fonds de sable grossiers et de graviers.
Le mot "Brantôme" signifie à l'origine eau
et rocher.
Cernée par les eaux
vives de la Dronne, face au regard bienveillant de l'ancienne abbaye adossée à
la falaise calcaire, Brantôme est l'un des sites les plus attachants du
Périgord.
Elle fut surnommée
"Venise du Périgord" par le président de la République, Raymond Poincaré lors de
sa visite en 1913.
La magie de
l'eau a inspiré à André Maurois ce bel hommage à Brantôme :
"Il arrive que la nature et l'homme collaborent
pour composer un chef d'oeuvre.
C'est le cas de Brantôme, la plus ravissante, la
plus féerique petite ville du Périgord"
Et Jean Secret d'ajouter : "C'est la rivière qui a
dessiné la ville,
et rien n'est
plus charmant qu'un plan d'urbanisme traité par des naïades".
UN SITE PRIVILEGIE.
Tout un ensemble de conditions favorables explique l'ancienneté de l'occupation humaine dans la région de Brantôme.
La Dronne est une voie de passage facile et une rivière poissonneuse. Les abris et les grottes creusés dans la roche calcaire sont autant de lieux d'accueil et de protections contre les intempéries. Les nombreuses sources ont conforté cette présence. Les stations préhistoriques proches de Rebières et la Forge du diable révèlent l'occupation humaine aux diverses époques de la Préhistoire.
Brantôme occupe un site des plus propices, au creux d'un vallon, à l'extrémité d'un méandre de la Dronne, dans une position de repli, de protection optimale et de contrôle d'une importante vole de passage.
UNE HISTOIRE LONGTEMPS LIEE A CELLE DE
L'ABBAYE (Vlllème - XVIllème siècles)
L'histoire de Brantôme, c'est d'abord celle de la coexistence entre une abbaye et un bourg.
La fondation d'une abbaye.
L'intérêt du site n'a pas échappé à des moines soucieux de christianiser la région au début de l'ère chrétienne. Des ermites, puis une communauté chrétienne, ont probablement vécu dans les abris de la Fontaine du Rocher. Selon la légende, Saint-Front, évêque de Périgueux serait venu à Brantôme détruire une statue de Mercure et prêcher le christianisme.
Les origines exactes de l'abbaye bénédictine sont incertaines. On attribue le plus souvent sa fondation à Charlemagne en 769 qui y déposa les reliques de Saint-Sicaire, un esclave d'Hérode qui se serait converti au christianisme après avoir participé sous les ordres de son maître au massacre des Innocents. Pour d'autres auteurs, la fondation de l'abbaye serait plus ancienne, on cite Louis le Débonnaire, au moment de son accession au trône d'Aquitaine, ou encore Pépin, roi des francs.
Toujours est-il qu'en 804, l'Eglise Saint - Pierre est consacrée par le pape Léon lll lui-même, et une liste recensant toutes les abbayes de l'Empire en 818, retrouvée à Aix-la-Chapelle, mentionne celle de Brantôme régie par la règle de Saint Benoît comme ne devant "que des prières à l'Empereur" (elle était donc exonérée de taxe et rattachée directement à Rome).
L'abbaye ne cesse de se développer, les reliques de Saint-Sicaire attirent des pélerins de plus en plus nombreux. La fontaine de Saint-Sicaire fut, jusqu'à une période relativement récente, un lieu de pèlerinage : boire son eau favorisait la fertilité et protégeait les enfants des maladies. Cette première période de prospérité sera de courte durée, car vers 849, les Normands dévastant le pays, détruisent l'abbaye.
Un bourg se développe et s'organise à
l'ombre de l'abbaye.
Avec le
retour à la sécurité, le renouveau démographique et économique, l'abbaye est
reconstruite à la fin du Xème siècle. Une agglomération se développe face
à l'abbaye, à l'intérieur d'une île après aménagement d'un bief pour des raisons
défensives. Une muraille ceinture la ville, doublant ainsi la défense
naturelle que constituent les deux bras de la Dronne.
Brantôme devient un lieu d'importants échanges où se rencontrent artisans, commerçants et pélerins et voit sa population augmenter rapidement. Dès le Xllème siècle, l'agglomération s'étend hors des murs, avec le faubourg des Barris (ou des Cailloux) qui sera lui aussi fortifié. En 1271, le roi d'Angleterre Edouard 1er octroie à la cité de Brantôme sa première charte, confirmée en 1469 par le roi de France Louis XI, lui permettant de nommer huit consuls.
Après la guerre de Cent ans où la ville comme l'abbaye sont prises et reprises , tantôt par les anglais, tantôt par les tenants du roi de France, il faut à nouveau reconstruire mais avec un souci d'embellissement.
L'esprit de la Renaissance souffle sur Brantôme.
En 1504, l'abbaye est mise en commende. Le premier abbé commanditaire, Amanieu d'Albret, entreprend la reconstruction du monastère et concède au bourg de Brantôme une église, qui devient paroissiale. Son successeur Pierre de Mareuil, à partir de 1538, fait édifier un pont coudé à angle droit sur la Dronne, un élégant pavillon Renaissance et plusieurs reposoirs dans le jardin des moines. L'abbaye compte alors une trentaine de religieux.
En 1557, Henri Il nomme à la tête de l'abbaye, Pierre de Bourdeille, le neveu de Pierre de Mareuil, plus connu sous le nom de Brantôme. Après une vie mouvementée d'aventurier, de guerrier et de courtisan, entrecoupée d'un séjour forcé en 1569 à Brantôme pour cause de maladie, une chute de cheval en 1583 le rend infirme et l'oblige à retrouver le calme de son monastère. Il peut alors achever ses chroniques, écrire ses Mémoires "Vie des hommes illustres et Grangs capitaines" et surtout "Vie des Dames Galantes" grâce à laquelle ou auxquelles l'abbé passe à la postérité.
Doté d'un certain talent pour la diplomatie, esprit modéré en cette époque d'excès, il a su tisser des relations amicales avec Coligny, chef des Réformés et éviter à deux reprises en 1569 le pillage de son abbaye par les Réformés qui ont pourtant séjourné sur place. A sa mort en 1614, l'abbaye de Brantôme est la plus prospère d'Aquitaine : Mais très puissante au XVllème siècle, l'abbaye va perdre peu à peu de son importance au siècle suivant.
La fin de la vie monastique.
En 1652, la ville et l'abbaye sont à nouveau en partie détruites par les frondeurs du marquis d'Harcourt.
A la Révolution, l'abbaye n'abrite plus que sept religieux dont le père Rousseau, voltairien affirmé, qui prône en chanson :
"Sortez tous de vos couvents
Plus de monastères
Allez tous gaillardement
Vous marier maintenant"
Les derniers moines sont dispersés, les
meubles vendus, les bâtiments attribués au département, puis à la commune,
l'église tombera peu à peu en ruines. En 1812, elle devient dépôt de
mendicité.
BRANTOME CHANGE D'ASPECT AU XIXème SIECLE.
Au XIXème siècle, Brantôme fait l'objet d'importants travaux d'urbanisme afin de répondre aux exigences du monde moderne.
Les espaces jusqu'alors opposés (le bourg et l'abbaye) sont réunis. Les murs de l'abbaye sont abattus. L'agglomération s'étend au-delà de l'île, le jardin des moines aménagé en jardin public. On développe les voles de communication. Les étroites portes de défense sont détruites, les ponts restaurés et agrandis, certaines rues sont réalignées. A la fin du siècle, un petit train départemental passant par Brantôme est mis en service. Il sera remplacé par des autobus après la guerre 1914-1918. En 1858, l'église abbatiale devient église paroissiale et celle du XVlème siècle est transformée en halle avant de devenir une salle des fêtes.
A partir de 1850, Abadie, élève de Viollet-le-Duc, auteur de la restauration byzantine de la cathédrale Saint-Front à Périgueux et de la construction de la basilique de Montmartre donne à l'ensemble de l'abbaye son aspect actuel. L'église est entièrement restaurée. Une grande partie du cloître est détruite et la façade de l'abbaye reprise pour en faire un bâtiment tourné vers la ville, où prennent place l'école communale, les services communaux, le presbytère et un musée.
La rénovation s'étend à l'ensemble de l'agglomération. Les trois quart du bourg sont restaurés dans le style néoclassique.
En 1913, Brantôme reçoit le président de la République, Raymond Poincaré qui lui décerne le titre de "Venise du Périgord".
UN CENTRE TOURISTIQUE ET CULTUREL.
Brantôme est une bourgade dynamique de plus de 2 000 habitants. Elle possède une armature commerciale complète de chef-lieu de canton et quelques entreprises (confection, chaussure et travail du bois) maintiennent une certaine activité.
Brantôme est un haut lieu du tourisme en Périgord. Ses atouts sont multiples et diversifiés : un site incomparable, un patrimoine architectural de qualité, une solide structure d'accueil, une réputation gastronomique qui dépasse largement le cadre du département... Après Sarlat, Périgueux et les Eyzies, Brantôme est la quatrième commune du département en matière de sites protégés. Chaque année en été, les responsables du tourisme et l'association "les Amis de Brantôme" proposent de nombreuses animations culturelles (festivals, spectacles, expositions, conférences, concours national hippique... ). Brantôme joue la carte de la qualité de la vie et de l'environnement.
En 1984, elle a été la première ville d'Aquitaine à choisir de mettre en oeuvre une "zone de protection du patrimoine architectural et urbain" (ZPPAU). L'objectif de cette disposition administrative est de rechercher une qualité de l'environnement, à la mesure de la qualité du patrimoine.
Bibliographie :
- Visiter Brantôme. D. Audrerie ,
Editions Sud-Ouest
- Brantôme à
jamais. M. Duché, Editions Virmouneix
- Brantôme et Bourdeilles oubliés. P.
Pommarède, Editions Fanlac
-
Nouveau guide du Périgord - Quercy. J.L Aubarbier, M. Binet, G. Mandon,
Editions Ouest-France
- Périgord -
Quercy. Les guides bleus-. Editions Hachette
- Guides bleus. L'Aquitaine. Editions
Hachette
- Dordogne -
Périgord. Editions Fanlac
- Découvrir le Périgord. M. Aud ,
Editions M.S.M
- Vu de mon
clocher Brantôme, article de Claire Delbos. Le journal du Périgord
n°3, déc. 1989
- Journal
Sud-Ouest
L'ISLE ET LE CANAL A PERIGUEUX
La rivière l'Isle est un affluent de la
Dordogne.
Elle naît dans les monts
du limousin, près de Châlus, reçoit l'Auvézère en amont de Périgueux et parcourt
une vallée fertile.
Enrichie des
eaux de la Dronne à Coutras, elle conflue avec la Dordogne à Libourne.
Déjà utilisée dans les échanges dès
l'Antiquité, l'Isle fit l'objet d'importants travaux pour améliorer sa
navigabilité.
Mais le chemin de
fer dans la seconde moitié du XIXème siècle entraîna la chute du trafic
fluvial.
Aujourd'hui les bords de
l'Isle et du canal, représentent un lieu de détente privilégié pour les
citadins.
L'ISLE, JADIS UNE IMPORTANTE VOIE DE COMMUNICATION
Empruntée dès l'Age de Fer, l'Isle joue un rôle important sous l'Antiquité dans les échanges entre le chef-lieu de la Cité des Petrucore (Vesunna) et la ville de Burdigala (Bordeaux).
Mais au Moyen-Age, de nombreux obstacles
pour la batellerie florissant sur l'Isle, digues de moulins, barrages de pieux
de pêcheries fixes... et les remontées de bateaux se font de plus en plus
rares.
DES TRAVAUX POUR AMELIORER LA NAVIGATION
Des initiatives ont pour objectif l'amélioration de la navigation sur la vole d'eau. Ainsi, en 1520, un syndicat de marchands se crée à Périgueux pour assurer le libre passage sur l'Isle, mais apparemment sans grand succès face à la puissance des meuniers.
Au XVIlème siècle, 42 écluses sont construites entre Libourne et Périgueux et à la fin du XVIllème siècle, des canaux de dérivations latérales aux moulins, 16 écluses à sas, complètent l'aménagement de l'Isle.
En 1789, la Révolution stoppe les travaux alors que de nouvelles entraves apparaissent. Une société anonyme se forme en 1820 : "la Compagnie de Navigation de l'Isle" qui reçoit le soutien de l'Etat.
Dix sept années de travaux sont nécessaires pour équiper le cours de l'Isle de 39 écluses, dont 31 dans le département de la Dordogne, sur les 114 kilomètres séparant Laubardemont et Périgueux, pour un coût total de 5 millions de Francs.
A Périgueux, un bassin devant servir de port, d'une superficie de 27 500 m² est ouvert près de la Cité et inauguré le 19 novembre 1837 par Mgr Gousset, le préfet M. Romieu et le maire de la ville, M. de Marcillac.
UN TRAFIC EN EXPANSION
Après ces travaux, le transport fluvial augmente rapidement sur l'Isle. En 1850, le port de Périgueux auquel sont attachés 89 bateaux, employant environ 300 bateliers, présente un trafic quasiment identique à celui de Bergerac. Les principales importations consistent en blé, avoine, houille, plâtre, sel, tabac... et les exportations portent surtout sur le bois de marine, mérin, carassonne, feuillard, fonte, fer, pierre de taille, châtaignes...
En 1860, un canal de 2 kilomètres est creusé lors de la reconstruction du vieux port, mettant en communication celui-ci au bassin de la Cité.
UN DECLIN RAPIDE AVEC LE CHEMIN DE FER
L'arrivée du chemin de fer à Périgueux en 1857 en provenance de Bordeaux, puis le raccordement ferroviaire à Limoges en 1861, portent un coup fatal à la navigation fluviale. Entre Coutras et Périgueux le tonnage qui s'était élevé à 180 000 tonnes au milieu du XIXème siècle, tombe à moins de 100 000 tonnes en 1860 et à 54.000 tonnes en 1870.
AUJOURD'HUI UN ESPACE DE DETENTE
Les bords du canal de l'Isle représentent un espace de détente pour les promeneurs, joggeurs et pêcheurs.
Un nouvel éclairage avec 45 lanternes au sodium et 50 projecteurs, vient d'être mis en place, le long des 4 kilomètres du chemin de halage et de la digue du canal, et contribue le soir, à la mise en valeur du site.
Bibliographie :
- Dordogne - Périgord. Encyclopédies
régionales, Editions Bonneton
-
Périgueux. Guide monumental du Périgord illustré T.2, Abbé Audierne. Editions
Roc de Bourzac
- Histoire de
Périgueux. G. Penaud, Editions Fanlac
- Périgueux oublié. P. Pommarède, Editions
Fanlac
Située à l'ouest du Périgord entre les
rivières : la Dronne au nord et l'Isle au sud, la Double est une région
forestière aux formes douces, parcourue par de nombreux ruisseaux et parsemée de
nombreux étangs.
Comparée parfois
à la Sologne, elle présente les mêmes sois argilo-sablonneux.
Terre de refuge, devenue inhospitalière et même
hostile, après une exploitation sylvicole systématique ; la Double
présente aujourd'hui un paysage très particulier et un habitat rural
traditionnel spécifique.
UN MILIEU FORESTIER HUMIDE.
La Double a un relief aux formes molles d'une centaine de mètres d'altitude, aux versants modelés dans un matériel tendre de sédiments détritiques descendus du Massif Central à l'ère tertiaire, sables, argiles et graviers, accumulés sur les calcaires de l'ère secondaire.
Sur les terrains imperméables, où les pentes sont faibles, le drainage se fait mal. De très nombreux petits ruisseaux alimentés par de faibles sources, vont d'étangs en étangs et font de la Double une zone humide. Eugène Le Roy dans "I'Ennemi de la Mort", cite Il ces étangs aux queues interminables, les nauves, où pourrissaient les végétaux aquatiques des marais... et d'où s'élevaient des vapeurs pestilentielles qui s'épandaient sur le pays sauvage et solitaire" .
Les précipitations, un quart supérieures dans la Double (800 mm), que dans les régions périphériques proches et la présence des sols argileux, expliquent que cette région soit depuis toujours le domaine de l'arbre.
Les sols acides de faible valeur culturale
portent aujourd'hui essentiellement des futaies de pins, rarement mélangées à
des taillis de chênes et de châtaigniers.
Les sous-bois touffus se composent d'ajoncs, de
fougères et de genêts.
UN PAYS REFUGE, COLONISE TARDIVEMENT.
En raison de son important couvert forestier, la Double a de tout temps eu, une vocation de refuge naturel.
Repaire pour les bandits, refuge pour les fuyards et les bêtes sauvages, elle abrite les restes de l'armée sarrasine, défaite par Charles Martel en 732 à Poitiers. Le duc d'Aquitaine Waïffre, en révolte contre son suzerain et roi Pépin le Bref, trouve abri avec ses hommes dans la Double, avant d'y être assassiné en 768. Plus proche de nous, en mars 1944, les Allemands mettent le feu à la forêt, desséchée par l'hiver pour lutter contre le Maquis.
Tardivement colonisé, la Double a longtemps vécu repliée sur elle-même. A partir du Xlème siècle, plusieurs vagues de colonisation vont se succéder sous l'action de communautés religieuses. D'abord fragiles, les conquêtes agricoles s'accélèrent aux Temps Modernes qui correspond à une période apparemment bénéfique. La Double est alors qualifiée de "beau et fertile pays" et abrite une population plus nombreuse qu'aujourd'hui.
UN PAYS INSALUBRE A L'AUBE DU XIXème SIECLE.
Dans la seconde moitié du XVIllème siècle, un processus de dégradation va transformer la nature doubleaude en terre de pauvreté et insalubre.
En l'espace de quelques décennies, d'importantes surfaces sont déboisées. C'est l'époque où les paysans se lancent sans mesure dans la fabrication du charbon de bois. Les belles forêts de chênes séculaires sont coupées de manière systématiques pour alimenter les chantiers navals de la Marine Royale. En outre, pour faciliter le pacage des troupeaux, on brûle la forêt...
Une lande stérile qui n'absorbe plus les eaux de pluie, se substitue à la forêt de feuillus. La Double devient une région de marécages, propice au développement des fièvres qui, ajouté à la malnutrition, déciment la population. Dans la première moitié du XIXème siècle, la Double est présentée comme une terre de désolation, de misère et d'immigration.
Onésime Reclus évoque "un peuple hâve de charbonniers et de maraudeurs, cette race chétive et fiévreuse dont les uns mènent à des prés mouillés par des sentiers de glaise, de maigres moutons glacés d'épouvante par les hurlements des loups".
Eugène Le Roy dans "l'Ennemi de la mort" décrit le combat d'un jeune médecin progressiste contre cette misère physique et morale qui frappe toute la population de la Double "une indicible mélancolie se dégageait de cette région désolée... devenue le royaume des fièvres".
UN HABITAT TRADITIONNEL SPECIFIQUE.
La Double présente un habitat particulier. La maison doubleaude est bâtie de bois, de terre et de pierre, matériaux disponibles sur place. La pierre est réservée aux façades et encore, dans les demeures les plus riches.
Les bâtiments à colombage et torchis sont entourés d'une galerie extérieure en bois "balet", et coiffés d'une toiture à deux pans couverte en tuiles canal. Une ou deux pièces pour l'habitation, une grange et un four constituent l'essentiel des fermes.
Celle du Parcot, près d'Echourgnac,
inscrite en 1991 à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, résume
à elle seule l'architecture de la Double.
Bibliographie :
- Le Périgord dans un sabot. La
Double - Forêt de la Dordogne. M. Balaguer, Editaut Ar Penn Kêr
- Le Périgord. P. Fénelon, Editions Privat
- Visiter le Périgord. D. Audrerie,
Editions Sud-Ouest
- Sites
naturels en Périgord. D. Audrerie, Y. Coulaud CAUE 24, Fanlac
- Nouveau guide du Périgord- Quercy. J.L
Aubarbier, M. Binet G. Mandon, Editions Ouest-France
- Dordogne- Périgord. Encyclopédies régionales,
Editions Bonneton
- Double - la
forêt, l'eau, une lente séduction. Journal du Périgord, mai 1992
- La Double : forêts et étangs
J.LGalet. Périgord Magazine, juillet octobre 1975
Le Périgord, aux paysages diversifiés, offre maints panoramas remarquables, en particulier sur les vallées de la Dordogne, de la Vézère, de l'Auvézère, de l'Isle, de la Dronne...
LES TOURBIERES DE VENDOIRE
Les tourbières de Vendoire sont situées à l'extrême limite nord-ouest du département de la Dordogne, en bordure de la Charente et s'étendent sur 120 hectares dans le fond d'un vallon au sol argileux où l'eau dormante est partout présente.
Depuis 10 000 ans, les végétaux se sont accumulés, tassés, désagrégés, mais sans jamais se putréfier : ils se tourbifient. A Vendoire, ce sont des tourbières alcalines où les mousses caractéristiques sont des "hypnums" qui donnent une tourbe noire ou brune, alors qu'elle est blonde dans les tourbières acides où les mousses sont des sphaignes.
La tourbe est une masse spongieuse composée à 90% d'eau et 10 % de matière végétale. A Vendoire, l'épaisseur de la tourbe varie de 4 à 6 mètres. Elle constitue un combustible de faible rendement d'une teneur en carbone souvent inférieure à 50 %.
Les tourbières de Vendoire ont été exploitées jusque vers 1950. Les blocs de tourbe extraits sur une profondeur de plusieurs mètres, étaient mis à sécher à l'air. Les briquettes de tourbe alimentaient les foyers pendant les périodes de pénurie. Aujourd'hui, la tourbe brune est souvent utilisée en horticulture, mélangée avec du sable et de la tourbe blonde.
Les anciennes fosses, transformées en petits étangs, favorisent le développement d'une végétation de marais particulièrement riche et d'une faune remarquable avec de nombreuses espèces d'oiseaux des zones humides.
A Vendoire, 30 hectares ont été aménagés avec discrétion et ouverts à la visite depuis 1992. Trois sentiers permettent la découverte du site sans dégrader son aspect sauvage et naturel.
LA SOURCE DU COLY
Située au lieu-dit la Doux, la source du Coly est une émergence vauclusienne qui donne naissance à la petite rivière du Coly. L'eau provient des infiltrations dans les calcaires jurassiques d'une partie du Causse de Martel. Le bassin d'alimentation est énorme, de l'ordre de 80 kilomètres carré. L'écoulement connaît des variations importantes de 50 litres/seconde à 5 000 litres/seconde. L'eau sort d'une vasque de 7 mètres de profondeur. En 1991, la galerie d'alimentation a été remontée sur 4 055 mètres. C'est un des siphons les plus longs du monde, visité en 1994 par Nicolas Hulot pour l'émission "Ushuaia".
Pierre, eau et forêt.
Les étangs sont en Dordogne d'origine
artificielle. Parfois très anciens, attestés dès le Moyen-Age comme l'étang de
la Barde sur la Valouse, de nombreux étangs nouveaux sont créés chaque année.
Alimentés de diverses façons, à partir d'un ruisseau, d'une source...., ils ont
des vocations multiples, agricole, piscicole, énergétique, de loisirs... Deux
régions concentrent l'essentiel des plans d'eau du département : le
Périgord Vert et la Double.
MAISONS SUR LES QUAIS A MONTIGNAC
A Montignac, sur les quais face à la
Vézère, se dressent quelques belles maisons à galeries de bois, montées sur
pilotis.
TROIS "PLUS BEAUX VILLAGES DE France"
Le département de la Dordogne compte huit "plus beaux villages de France" au patrimoine d'intérêt national d'une valeur exceptionnelle : Limeuil, Saint-Jean-de-Côle et la Roque-Gageac font partie de ces villages empreints de charme et de douceur.
DORDOGNE ET CHATEAUX
Axe transversal de pénétration Ouest-Est, la Dordogne a joué un rôle économique, politique et militaire prépondérant dans l'histoire du Périgord. Principale voie fluviale de communication jusqu'à la fin du XlXème siècle, la vallée de la Dordogne fut une zone stratégique âprement disputée durant la guerre de Cent-Ans Elle fît office de frontière entre les Plantagenéts et les Capétiens.
Plus de 80 châteaux et manoirs aux origines souvent médiévales, bâtis sur les deux versants, jalonnent les 60 kilomètres de la traversée de la Dordogne en Périgord Noir
CINGLES SUR LA DORDOGNE
La Dordogne, dans sa traversée des plateaux calcaires du Périgord, a dessiné un paysage complexe suivant la résistance des roches, où alternent falaises abruptes et méandres paresseux ou cingles. Du latin "cingulum", ceinture, serpent en langue d'Oc, les cingles résultent d'un long travail de la rivière.
L'eau courante arrache par érosion des matériaux à la rive verticale concave, lesquels sont entraînés en aval vers la rive convexe où lis se déposent en formant des bordures alluviales. Ainsi, le lit de la Dordogne tend à se déplacer latéralement.
Les falaises ocre ou blanche de la face
concave attaquées par la rivière, contrastent avec les terrasses alluviales
fertiles de la rive convexe, propices à l'agriculture.
Bibliographie :
- Sites naturels en Périgord. CAUE 24 -
Fanlac
- Nouveau guide du
Périgord-Quercy. J.L Aubarbier, M. Binet, G. Mandon. Editions
Ouest-France
- Périgord - Quercy.
Les guides bleus. Editions Hachette.
- Le Périgord à pied. M.F Couppey, B. Barbarin.
Editions Fanlac
- Dordogne -
Périgord. Encyclopédies Régionales. Editions Bonneton
- Le guide Dordogne - Périgord. Editions
Fanlac
- Saint-Léon-sur-Vézère et
sa région. R. Delrieux. PLB Editeur
- Ici et là. Le Périgord , n° 17
- Documentation du syndicat d'initiative de
Verteillac sur les tourbières de Vendoire.
- Les légendes des photos sur les tourbières de
Vendoire ont été rédigées par Mme B. Darchen
Nos partenaires :
- L'Agence de l'eau Adour-Garonne
- La Compagnie des Eaux et de
l'Ozone
- Le Conseil Général de la
Dordogne - Electricité de France
-
La Fondation Nicolas Hulot
- B.
Vernet, producteur de foie gras fermier
Avec la collaboration :
- Des Archives Départementales
- Du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et d'Environnement (C.A.U.E)
- De la Conservation Départementale
- De la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt
- Du Musée Aquarium de Sarlat